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JonOne – The Chronicles à la galerie David Pluskwa

Harlem Globe Créateur

 

« Je n’étais pas prêt à entrer dans le passé, ça me faisait peur, et puis j’ai rencontré des gens fous. » A l’initiative du galeriste marseillais David Pluskwa, la monographie The Chronicles de JonOne relate trente années de peinture tandis qu’une exposition rend hommage à l’évolution d’un artiste hors du commun.

 

« Je voulais faire un livre depuis longtemps, mais je ne rencontrais pas les bonnes personnes capables de se plonger dans les archives et de se plier à mon rythme effréné. Et puis quelqu’un m’a ditquand tu fais un livre, c’est une sorte de psychanalyse”, je n’étais pas prêt… » Il aura fallu toute la pugnacité de David Pluskwa pour que JonOne se jette enfin à l’eau. Sous l’impulsion du galeriste marseillais, le journaliste et écrivain Théophile Pillaud s’est plongé dans trente ans d’histoire, du graffiti de Harlem à l’affranchissement des carcans esthétiques dans lesquels l’artiste a grandi.
Théophile Pillaud : « L’idée est de raconter l’homme et l’artiste à travers ses œuvres. C’est d’abord un livre de toiles. Du graffiti new-yorkais à l’école française, en passant par les 156 All Starz (le crew de graffeurs de JonOne), on a suivi un scénario de vie. John a commencé en 1981. Il a été King à New York et à Paris, l’un des premiers à travailler sur toile. C’est l’histoire d’un parcours de transformation du vandalisme à l’exil, du travail illégal parisien au statut d’artiste reconnu mondialement aujourd’hui. »
Théophile Pillaud enchaîne les allers-retours entre Marseille et Paris pendant plus d’un an et demi. Entre l’atelier et la maison de JonOne, il se plonge dans les archives, des milliers de photographies conservées depuis toujours par l’artiste. « Ce geste de conservation est finalement très lié à la culture graffiti parce que quand John a commencé à peindre des murs, la photographie était le seul témoin de l’œuvre. »
Passé par l’école de la rue par obligation (son extraction sociale) en plein essor du graffiti, JonOne n’expose pas aujourd’hui en galerie par opportunisme ; il a avancé avec sincérité pour peindre et créer plus que tout, comme une évidence. « Le passage à la toile s’est fait naturellement car finalement ce qui me frustrait le plus dans le graffiti, c’était sa disparition. J’avais du mal à accepter qu’il n’y ait pas une trace de mon travail ancrée dans le temps. Déjà dans les tunnels de métro, j’emmenais des toiles. Je voulais rester en place. Je pense que je suis parvenu à laisser ma griffe aujourd’hui. »
Abordant son évolution graphique au gré des pages du livre qu’il feuillette en souriant, JonOne évoque avec tendresse des souvenirs marquants. « Un marchand d’art m’avait volé cette toile, il l’a vendue à quelqu’un sauf que je ne l’avais pas signée. L’acheteur m’a appelé pour que je lui fasse un certificat d’authentification, j’ai refusé. Finalement, ça s’est arrangé, il a accepté d’échanger la toile contre une autre, je l’ai récupérée et signée, elle est toujours chez moi. (…) Quand je peins, c’est une bataille. Mon atelier est un lieu créatif, où tu dois être concentré. Il y a une vie extérieure, mais là-bas, c’est mon monde à moi, et ça doit rester un plaisir. Tu dois être en face de toi-même, de tes émotions, des couleurs. »
« I ‘m on fire baby » sont finalement les seuls mots qui lui viennent à l’esprit pour décrire son état lors de son processus créatif. « Les gens disaient que le graffiti, c’était des gribouillis, alors je me suis mis à réellement faire de jolis gribouillis. » Une période qu’il affectionne particulièrement, pendant laquelle il a créé son « plus beau gribouillis », dont il regrette la vente.
A la naissance de sa fille, JonOne se met à peindre de jour : le « vampire » n’est plus, son travail devient plus lisse, plus graphique. Un voyage en Chine et l’observation d’artistes calligraphes lui donne envie de revenir à la lettre. « Chaque toile est ancrée dans mon histoire, dans ma vie. » Sa propre calligraphie consistera en une superposition de « JonOne », laissant l’obsession pour la saturation gagner les toiles. « J’en ai eu marre de ce travail répétitif, ça me faisait mal à la tête au final. Maintenant, c’est la libération, je fais ce que je veux. »
Grâce à la sortie de sa première monographie, The Chronicles, JonOne a pris conscience de son évolution et créé une exposition rétrospective de son travail, vibrante de couleurs et d’impacts visuels.
Artiste prolifique, JonOne se demande aujourd’hui comment va évoluer son travail dans les trente prochaines années. A en croire The Chronicles, se dessine un avenir radieux.

Elise Lavigne

 

JonOne – The Chronicles : jusqu’au 29/11 à la galerie David Pluskwa (53 rue Grignan, 6e).
Rens. : 06 72 50 57 31 / david-pluskwa.com

Pour en (sa)voir plus : jonone.com

 

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