Jean-Marc Aymes/Concerto Soave – Horrenda Pestis

Présence de la musique ancienne

 

Après l’intégrale de Frescobaldi (1583-1643), organiste de la Basilique Saint-Pierre de Rome, Jean-Marc Aymes poursuit l’exploration de la musique pour clavier du XVIIe, avec l’enregistrement(1) de l’œuvre du compositeur allemand Johann Froberger (1616-1667), disciple éclairé du maître romain. Les concerts suivent.

 

Comme le précédent, cet opus atteint toutes les qualités d’achèvement que l’on pouvait en attendre : précision de la restitution sonore (prise de son : François Eckert), sensibilité et discernement dans les choix interprétatifs. Comme le peintre physionomiste sélectionne ses pinceaux, Jean-Marc Aymes a choisi ses instruments pour leur congruence avec le caractère des pièces jouées. Clavecins et orgues de facture baroque, italienne, française ou anglaise, accompagnent ainsi, sur le disque, l’itinérance du compositeur sur les scènes européennes et rétablissent le modelé sonore dans sa culture musicale. Jean-Marc Aymes éclaire la perpétuelle agitation des analogies, des références partagées et des influences impalpables promptes à enrichir l’inspiration et la manière d’un compositeur à l’esprit aussi mobile et perméable. L’imitation chez Froberger n’est jamais une pâle copie mais une véritable régénérescence du modèle. L’une des vertus de la perspective ouverte par Jean-Marc Aymes sur ce grand œuvre réside précisément dans cette capacité de transfert entre le lexique rhétorique cosmopolite du compositeur et l’intime expression poétique qui le caractérise. Les suites de danses, tour à tour lestes ou émouvantes, s’animent d’une insaisissable élégance, mosaïque de gravité et de nonchalance où se dissimule la maîtrise du claveciniste fondateur de Concerto Soave. Démonstration en est faite dans les deux mausolées musicaux que le maître allemand a légué à la postérité, Le Tombeau de Monsieur de Blancheporte et Méditation sur ma mort future, lesquels se jouent « à la discrétion », selon les vœux de Froberger lui-même, délicate liberté que Jean-Marc Aymes a reçue en partage.

Pourront l’écouter dans ce répertoire, le 24 octobre aux Rencontres Internationales de Musique Ancienne en Trégor, ceux dont le voyage en Bretagne ne freine pas l’élan. Les autres auront le plaisir d’entendre, à Marseille, Jean-Marc Aymes avec le baryton Romain Bockler, accompagnés de l’ensemble Concerto Soave, le 27 octobre aux Archives Départementales, dans un programme inédit consacré aux répercussions des épidémies de peste sur la musique de leur temps. À la jonction de l’intelligible et du sensible, Concerto Soave circule de l’œuvre à l’être social de l’artiste. Monteverdi, Charpentier, Humphrey, Sances, Campra… Tous les protagonistes de l’Europe musicale redeviennent ces héros de l’ordinaire des jours habités par l’épouvante, l’exaltation religieuse ou le désir d’évasion. Milan (1629), Londres (1665), Vienne (1679) et enfin Marseille (1720) dont, ironie du sort, nous commémorons le bicentenaire, les étapes de l’épidémie provoquent l’apparition d’un répertoire votif spécifique ou de divertissements profanes destinés à soulager la misère des temps. Sic transit gloria mundi (2). Retour vers le futur.

 

Roland Yvanez

 

Jean-Marc Aymes/Concerto Soave – Horrenda Pestis : le 27/10 aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône (18-20 rue Mirès, 3e).

Rens. : www.concerto-soave.com