Jazz In Arles à la Chapelle du Méjan

Le grand Méjan joue

 

Arles est une terre de jazz. Innovant et populaire. Bénéficiant des conseils avisés de mestre Jean-Paul Ricard, mémoire vivante des notes bleues dans la vallée du Rhône et inlassable promoteur de leurs évolutions (au sein de l’AJMI à Avignon surtout), qui n’hésite jamais à donner un coup de main pour la programmation, l’équipe de ce festival, qui se déroule habituellement en mai, aligne des valeurs sûres d’une musique plus actuelle que jamais.

 

Dès le vendredi soir résonnera la batterie enchanteresse de Fred Pasqua (l’avez-vous déjà entendu chanter ? C’est magique) entouré des talentueux Yoni Zelnik (contrebasse), Nelson Veras (guitare) et Yoan Loustalot (au bugle : cet instrument qui ressemble à une grosse trompette et permet à son souffleur de proposer des nuances de graves à la saveur exquise). Moon River, tel est le titre de ce projet. Puissent les éclats de lune se projetant dans le fleuve voisin inonder la chapelle du Méjan comme un miroir cosmique de la même manière que ce quartet projettera ses ondes bleutées entre ces murs. Faisons un rêve : qu’ils rejoignent sur scène le fabuleux trio de Naïssam Jalal Quest of the invisible ! La flûtiste franco-syrienne, qui donne de la voix désormais, comme une contre-diva aux effluves moyen-orientales, a su tant nous transporter lors de son concert sur la terrasse du Mucem vers la mi-août qu’on n’en est pas redescendu. Ce trio est une manne musicale, avec un contrebassiste dont la quête d’expérimentations n’oublie jamais un bon gros sens du blues (Claude Tchamitchian) et un pianiste au lyrisme et au sens de la syncope dévastateurs (Leonardo Montana). Dans sa « quête de l’invisible », il transcende toute matérialité et touche à l’immanence. Leur album, en quartet avec le batteur/percussionniste Hamid Drake, est d’ailleurs Victoire du Jazz 2019 dans la catégorie « inclassable ».

La seconde soirée en ce lieu désormais consacré à une spiritualité bleutée s’ouvrira par un hommage au légendaire saxophoniste expérimentateur André Jaume par un duo de… guitaristes. Entre le libertaire de Haute-Provence Alain Soler, inlassable promoteur du jazz et des musiques improvisées depuis son antre de Château-Arnoux, et Rémi Charmasson, Gardois gardien d’une flamme hendrixienne, du feu jaillit des six cordes, pincées, frottées, frappées… caressées bien sûr. Gageons que la bande de doux dingues qui s’exprimera sur scène après eux sauraient les accueillir pour quelque bœuf. Les jeunes gens modernes de Nefertiti Quartet sont tellement ouverts aux vibrations musicales les plus savoureuses, conjuguant leurs talents féminins et masculins dans une sarabande exigeante et accessible, que le moindre de leur set est une invitation au partage des émotions les plus sincères. Les compositions originales de ce groupe, qui était récemment en pleine préparation de leur troisième album à l’Osons Jazz Club (Lurs, 04), ouvrent des paysages sensibles d’autant plus vivifiants qu’ils convoquent toute la biodiversité des musiques de jazz. Les compositions de l’imparable pianiste Delphine Deau sont des trésors naturels, sur lesquels la saxophoniste Camille Mandiau déroule des histoires chamaniques, pendant que les deux gars de la rythmique (Pedro Ivo Ferreira, contrebasse ; Pierre Demange, batterie) déploient des arches multicolores transportant vers horizons improbables.

Car à Jazz « in » Arles, c’est le « out » qui l’emporte. Tant mieux.

 

Laurent Dussutour

 

Jazz In Arles : les 25 et 26/09 à la Chapelle du Méjan (Arles).

Rens. : www.lemejan.com

Le programme complet du festival Jazz in Arles