J’ai peur quand la nuit sombre © Edith Amsellem

J’ai peur quand la nuit sombre par Edith Amsellem par la Cie ERD’O

La soumission

 

Le Merlan et la Criée s’associent pour présenter J’ai peur quand la nuit sombre, une création in situ d’Edith Amsellem qui questionne l’identité de la femme dans son présent et son avenir, à travers le conte du Petit Chaperon rouge.

 

Le Petit Chaperon rouge, c’est d’abord un conte oral raconté d’un millier de façons, mais celle qui se love le mieux dans nos souvenirs est la version de Charles Perrault, parue dans Histoires ou contes du temps passé avec des moralités (1697). D’abord parce que sa fin est cruelle et donc propice à hanter les nuits de l’enfant, pour mieux construire l’interdit. Ensuite parce qu’elle s’adresse à la question de la jeune fille dans un monde de prédateur. De Charles Perrault à l’actualité d’aujourd’hui, il n’y a évidemment qu’une porte à ouvrir. Edith Amsellem tente, dans une recherche minutieuse, de dévoiler l’envers du décor de cette peur et ce qui se cache en tant que signifiant et signifié, parce que ce conte met en opposition les principes de plaisir et de réalité, parce qu’il invite la jeune femme à baisser les yeux et à filer droit. Elle ne choisit pas la version de Perrault, mais celle du Conte de la mère-grand d’Achille Millien vers 1870, où l’enfant, après avoir vécu malgré elle une expérience de cannibalisme, réussit à s’échapper. Le loup est-il juste un prédateur ou une représentation plus masculine de notre existence ? Il questionne la place de la femme dans un monde patriarcal. En emmenant le public dans un parc à la tombée du jour, Edith Amsellem prend le pari de créer une atmosphère oppressante et de lâcher la foule dans les moindres recoins d’une nature où chaque arbre devient une ombre qui rode. Là où la nuit des gens dorment et se rencontrent, là où se cristallisent les peurs. Dans ce climat qui déshabille l’imaginaire, des silhouettes prennent forme et des voix s’élèvent. La jeune fille, la mère, la grand-mère, chacune à leur tour, nous emmènent dans l’intimité de leur vie de femme à différents âges. Cette immersion dans le réel de la ville nous sort de notre confort et nous colle au regard de ces femmes à la tombée de la nuit. Beaucoup de points de vue et de sentiments s’entrechoquent, c’est un peu l’idée d’un théâtre polymorphe où le fil de l’histoire se déconstruit à travers une multitude d’expériences. Une déambulation dans une attitude de voyeur, une connivence entre femmes, une interrogation sur une situation présente. Le synopsis est démultiplié, le début et la fin s’entremêlent, le parcours peut être remonté. Edith Amsellem affirme l’idée d’un théâtre où la liberté du choix prend le dessus sur toute autre considération.

 

Karim Grandi-Baupain

 

J’ai peur quand la nuit sombre par Edith Amsellem par la Cie ERD’O : du 23 au 26/05 à Marseille.
Rens. : www.merlan.org / www.theatre-lacriee.com

À voir aussi : Yvonne, princesse de Bourgogne, les 31/05 & 1/06 au Parc de la Colline Puget (25 boulevard de la Corderie, 7e).

Pour en (sa)voir plus : www.enrangdoignons.com