Marche en plein Ciel © Lou Grenier

Ivre Virgule | Marche en plein Ciel

Cévennes up

 

L’écriture à l’épreuve de la marche, la contemplation à l’assaut de l’effort physique : toutes les raisons sont bonnes pour croiser la route de Stevenson ! Gwenaëlle Abolivier arpente et conte dans Marche en plein Ciel son expérience du chemin cévenol, accompagnée de la poésie, camarade fidèle des rêveuses solitaires.

 

 

Voyage au centre de la terre cévenole

Il est un chemin sillonnant les Cévennes qui titille pieds et esprits vagabonds depuis qu’un écrivain rebelle au cœur abimé par les tourments de l’amour fut piqué d’un besoin viscéral d’y marcher. C’est inspirée par ce trajet solitaire, doublé d’un désir de le mettre en mots, que Gwenaëlle Abolivier se lance le défi d’arpenter cette route qui a le vent en poupe. Le mouvement de ses pensées chevauche les sentiers. C’est ainsi que le fantôme de Stevenson l’écossais débroussailleur du chemin fait un bout de route en compagnie de celui d’un pionnier de l’écologie John Muir. L’errance paisible du marcheur Marvejols croise la trajectoire déterminée d’un milan venu chasser. Les chaussures fatiguées par les drailles sinueuses emboîtent la cadence avisée des ânes, incontournables compagnons du chemin depuis les déboires de la pauvre Modestine. Les étoiles sonnent quant à elles la fin de l’effort, s’invitant aux portes des songes des marcheurs qui les scrutent comme un grand récit à déchiffrer. Les rencontres réelles et fictives sont partagées dans une délicatesse de l’instant, le temps d’une marche.

 

Un périple à coucher dehors

Ce n’est pas un journal de bord que nous propose Gwenaëlle Abolivier. La performance liée aux étapes successives du parcours, désormais tout tracé, importe peu. L’autrice nous convie au plaisir simple de voyager. Elle marche dans ce sens dans les traces de Stevenson, qui affirmait voyager non pas dans un but précis mais pour le plaisir de la marche. Le succès de vagabonder en sentier cévenol se joue peut-être dans cet état de plaisir de l’instant mêlé à la volonté d’avancer au grand air. Gwenaëlle Abolivier prend sa place dans cette tradition de l’écrivain voyageur. « Je suis une femme du Grand Dehors », décrit-elle. Le dehors, ce terrain de découvertes dans lequel les récits féminins s’inscrivent, enfin, de plus en plus. Belle est cette ode au mouvement, cette démonstration poétique sans revendication que l’espace physique ouvre l’espace mental.

 

En pleine nature

S’il faut accompagner tout effort de réconfort, les plaisirs de la sieste sont des plus délicieux après une longue marche et ceux de la propriété viticole de la Grande Sieste sont des plus enivrants pour accompagner cette lecture. Comme ils l’indiquent si justement dans la présentation de leur travail : « On ne boit pas un vin, on le partage ». Parmi leurs vins, il en est un qui, par son nom et son goût, est complètement enrôlable pour faire un bout de route, le gourmant En pleine nature.

 

Le chemin n’est pas quelque chose que l’on dompte, on ne fait pas « le Stevenson », il nous fait et nous défait au gré de nos contemplations du vivant, infiniment vaste. Il suffit parfois de regarder le ciel où s’inscrit une route éphémère dessinée par le vent et se laisser porter.

 

Simone d’Abreuvoir