Persona d'Ineha Costerousse

Inéha Costerousse – Persona à Terrasse en Ville

(Dé)Masqués

 

Le vêtement et le masque servent a priori à cacher notre corps, voire notre identité. Le travail de l’artiste Inéha Costerousse inverse cette idée pour montrer en quoi ces deuxièmes peaux révèlent aussi une personnalité et peuvent faire oublier le sujet qui les porte. Illustration avec sa dernière exposition, Persona.

 

Avec un diplôme en gestion et comptabilité, rien ne destinait a priori Inéha à devenir plasticienne / body designer. Ce serait sans compter la douzaine d’années passées dans sa jeunesse auprès d’une voisine costumière, qui en a fait son modèle, avant de l’entraîner dans le monde des jeux de rôle grandeur nature puis celui des shows drag-queens.
Cette enfance a d’abord forgé un imaginaire haut en couleur (et en matières), allant de contes de fées en extravagances nocturnes, avant de développer une conception très personnelle du vêtement — qui s’exprimera pleinement avec un diplôme supérieur en expression artistique option design en poche. Ce dernier n’est plus un accessoire, perçu négativement comme un simple objet car soustrait au corps humain, mais bien quelque chose de positif au sens où il s’y ajoute et le valorise.
Cette quête de l’ajout positif au corps va amener Inéha à s’intéresser de près à la prothèse. Le dictionnaire Larousse nous dit qu’il s’agit d’un « dispositif implanté dans l’organisme pour suppléer un organe manquant ou pour restaurer une fonction compromise. » Si cette définition médicale se focalise sur les notions de remplacement et de réparation, la prothèse permet aussi de se présenter différemment à l’autre et de se « reconstruire une identité », comme le souligne Inéha. En devenant révélateur de personnalité, la prothèse devient sujet et l’amputé, son objet.
L’exposition Persona est une déclinaison de cette idée. Ici, le masque, porté sur des corps souvent nus, passe du stade d’accessoire à celui de deuxième peau, et même de sujet. La nudité permet de mieux isoler le masque au regard du spectateur et de faire surgir une dimension cachée. La fonction dissimulatrice du masque est ainsi inversée et l’origine de l’objet s’efface peu à peu. L’analogie avec une prothèse artistique, qui pourrait non pas répugner, susciter la peur ou la compassion, mais bien révéler la personnalité de l’amputé, est troublante.
Si le masque doit se construire une véritable identité, il faut bien le personnaliser du mieux possible. Pour cela, chaque série de masques possède son photographe, son nom et son texte attitrés. Ainsi, les nœuds du cœur sont directement matérialisés par ceux de cordelettes pour un masque de la série Amour, tandis que ceux de la série l’Amitié, requérant par moment froide sincérité ou compromis souple, le sont via l’utilisation du métal et du silicone.
Les batailles du quotidien expliquent peut-être quant à elles les limes à ongles qui composent le masque Tohu Bohu de la série Guerre. De nombreux masques étant conçus à partir d’objets du quotidien, comme des pinces à linge, nous croyons nous être évadés avec la nouvelle identité du masque et nous sommes finalement ramenés sur terre par la découverte de leurs composants. Tout comme le vêtement se froisse et se transforme lorsqu’il est porté, les perceptions du spectateur évoluent et son œil élabore une autre œuvre qui échappe peu à peu à l’artiste.

Guillaume Arias

Ineha Costerousse – Persona : jusqu’au 31/12 à Terrasse en Ville (26 rue des Trois Frères Barthélémy, 6e).
Rens. : 04 96 12 22 90 / terrasse-en-ville.com

 


Bonus : Questionnaire proustien

Si tu étais….

… un objet ?
Un objet protéiforme car je n’aime pas les choses figées, non représentatifs de la vie.

… une plante ou une fleur ?
Un lilium car ça sent très bon.

… un super-héros ou une super-héroïne ?
Cat’s Eyes car elles arrivent toujours à berner l’inspecteur sans masque et car ces sœurs sont l’image même de la fraternité.

… un animal ?
Un phoenix car il traduit l’idée de renouvellement. En y repensant, une chenille ou un papillon me conviendraient.