Indigne toit d’Anthony Micallef & La Dent creuse, cartographie de la colère de Chrystèle Bazin et Agnès Mellon

Misère aux poings

Alors que l’on commémore les deux ans du drame de la rue d’Aubagne, deux expositions en lien avec les effondrements et la question du mal-logement restent visibles pendant le confinement. Pour ne pas oublier.

 

Ayant levé le voile sur les carences municipales en matière de logement, le drame du 5 novembre 2018 a aussi mis en évidence la capacité de mobilisation des citoyens marseillais.

C’est ce dont témoigne La Dent creuse — terme qui fait référence, en urbanisme, à un trou dans une continuité d’immeubles —, fruit des travaux conjugués de Chrystèle Bazin et Agnès Mellon, déjà exposé l’an passé à la Salle des rotatives de la Marseillaise et qui prend place aujourd’hui sur les murs de la Mairie 1/7. Avant tout citoyennes et marseillaises, la journaliste et la photographe ont d’abord été sidérées, puis insurgées contre le laxisme municipal. Avant de décider de se mobiliser pour rendre visibles le combat contre le mal-logement, en montrant et en faisant entendre les élans de solidarité et la mobilisation citoyenne qui ont suivi les événements.

À partir de captations sonores et de photos, Crystèle Bazin et Agnès Mellon donnent voix et corps à tous ces Marseillais révoltés qui ne faisaient plus qu’un lors des marches et des manifestations contre le mal-logement. Leurs mots témoignent d’un ras-le-bol citoyen qui va au-delà de la question de l’insalubrité, condamnant l’incurie généralisée de la mairie sur les questions sociales. En déambulant entre les installations, on comprend la volonté de montrer une vision collective de la souffrance.

L’exposition fait ainsi écho à celle d’Anthony Micallef, installée sur la façade de l’Hôtel de Ville et tout le long de la place Bargemon. Il s’agit cette fois de rendre visible toute une population, les plus de 4000 « délogés » soudainement mis à l’écart, parfois relogés à l’extérieur du centre-ville ou dans des hôtels peu adaptés et qui, pour nombre d’entre eux, n’ont pas encore retrouvé un lieu de vie décent.

Fruit d’un travail de longue haleine, l’exposition Indigne Toit s’attache aux parcours individuels, donnant un visage à ces personnes qui ont tout perdu ou presque. Soutenue par la Fondation Abbé Pierre, elle dénonce avec justesse, via des images de bouts d’immeubles incendiés ou vétustes, les conditions de vie insoutenables de nos concitoyens, pointant les défaillances du système.

Gageons que la nouvelle municipalité, qui offre ses murs à ce reportage photographique poignant, ira au-delà de ce symbole déjà fort, et tiendra sa promesse de « réparer, construire et rassembler pour ne jamais effacer de nos mémoires ce que [ces photos] nous racontent. »

 

Cécile Mathieu