Ruines de Nicolas Pincemin et Birds de Laurent Perbos © G.Berne

Il y avait une fois à Arteum

Contes à rebours

 

Réunis au musée d’art contemporain de Châteauneuf-le-Rouge pour l’exposition Il y avait une fois, sept artistes revisitent les images de l’enfance issues des mythes et des contes. Déroutant.

 

Une escapade au pays imaginaire n’est pas forcément le voyage innocent de l’enfance, dès lors qu’avec notre regard d’adulte, on accepte de percevoir toute l’ambiguïté des récits qui nous berçaient autrefois. Les artistes qui, encore aujourd’hui, s’inspirent des contes et des légendes, préfèrent souvent y voir la part sombre et inquiétante. Prenant le revers d’un discours naïf, ils trouvent dans cet envers du décor des redondances avec le monde réel. Les œuvres des sept artistes réunis par Christiane Courbon trouvent ici les cimaises adéquates puisqu’elles prennent place dans les murs d’un château construit aux 17e et 18e siècles, qui rend le visiteur enclin à toute forme de croyances… Spectrales par exemple, comme dans les vidéos et les photos de Gaétan Trovato, où une sorte d’ectoplasme vert se promène dans le château vide… L’artiste, qui a réalisé ses pièces au sein du musée, joue sur la présence d’un phénomène tout au long de notre visite, comme hantant l’exposition, dans une réalité dédoublée. Une approche complexe que l’on retrouve dans les œuvres de Keiko Hagiwara, où des chemises immaculées flottent dans l’espace, figurant une présence humaine qui fait pourtant défaut. Idem avec les personnages endormis d’Anne-Charlotte Depincé. Peints en gros plan, leurs visages apaisés sèment le trouble, forçant une promiscuité dérangeante avec celui qui n’a plus conscience de la présence de l’autre…
On s’interroge ensuite sur la nature des liens qui unissent les jeunes personnages peints par Katia Bourdarel, illustrant les mythes d’Actéon, ou de Psyché et d’Eros. Leur mélancolie gagne les oiseaux blancs de Laurent Perbos, en proie à une déréliction contagieuse, qui s’opère dans une étrange personnification. Les larmes bleues qui s’écoulent de leurs yeux provoqueront à terme le changement de couleur de leurs plumes de plâtre… Impossible pour eux de rejoindre les sous-bois déserts de Nicolas Pincemin. Paysages aux camaïeux sourds, d’arbres dépourvus de feuilles et de pierres sèches, loin des images bucoliques du conte de fées, ses peintures revêtent l’inquiétude des bois quand la magie s’éloigne… Une magie qui, sous les doigts d’une fée, aura transformé les petites pelures de Lionel Sabaté (bouts de peaux mortes, morceaux d’ongles rognés…) en créatures à la fois magnifiques et effrayantes. Encore une façon pour le Château d’Arteum de nous faire frissonner de plaisir.

Céline Ghisleri

 

Il y avait une fois : jusqu’au 19/04 à Arteum (Châteauneuf-le-Rouge).
Rens. 04 42 58 61 53 / www.mac.arteum.net