Nawyr Jones © Yes We Cannes Prodction

Identités Remarquables | Nawyr Jones

Réaliser, ses rêves

 

Il est loin d’être le seul, mais il est unique en son genre. Originaire du quartier de Belsunce, Nawyr Jones raconte Marseille avec ses mots. Portrait d’un jeune réalisateur.

 

Vous l’avez peut-être déjà croisé au détour d’une rue à Belsunce, où il habite depuis son plus jeune âge. Son vrai nom, c’est Nawyr Haoussi. Jones, c’est un petit secret pour celui qui s’avoue fan de Georges-Alain Jones, candidat en 2002 de… Star Academy. Dans sa liste de secrets figure aussi une admiration sans pareille pour Les feux de l’amour. Ça pose le bonhomme. Nawyr a trente ans et une casquette constamment vissée sur la tête. Il noircit des carnets de dessins manga depuis l’âge de quatre ans, griffonne ses idées de scénarios au quotidien et endosse le costume de facteur pendant quelques années. Avec son collectif Yes, We Cannes, il a bien l’intention de conquérir l’industrie du cinéma, en toute modestie.

 

Multi-casquettes
Tout commence avec Le Toit du monde, un court-métrage réalisé en 2012 et rendu possible financièrement grâce à feue la bourse Envie d’Agir. S’entourant d’une équipe (presque intacte aujourd’hui), il se met en marche. Le scénario est simple : de toits en toits, des jeunes se réveillent, s’éveillent dans une cité phocéenne bientôt capitale culturelle. Chaque jour, la vie s’impose avec son lot d’espoirs, de désillusions, de surprises, d’échecs et de succès. Quête personnelle et avenir professionnel sont les préoccupations quotidiennes de ces personnages attachants aux sentiments enflammés. Nawyr prévoit une suite, qui verra le jour quelques mois plus tard. L’histoire du film est à l’image de son réalisateur multi-casquettes, qui oscille entre écriture, réalisation, tournage, montage et promotion. Conscient de la difficulté de vivre de sa passion, il bosse plusieurs années en tant que facteur, avant de quitter La Poste, notamment pour avoir recueilli des témoignages en lien avec des grèves internes et des manifestations. « La caméra est devenue une nécessité à un moment, je n’ai pas pu résister », raconte le jeune réalisateur, qui n’a pas hésité à mettre en ligne ce travail. Le cinéma le rattrape. Il commence à travailler à La Compagnie en 2016, après être passé maintes fois devant ce lieu emblématique dont il n’osait pas pousser la porte. L’occasion idéale pour Nawyr de communiquer avec les jeunes de son quartier qu’il ne quitterait pour rien au monde. Sensibiliser, animer des ateliers, s’inspirer et inspirer.

 

Philosophie de vie
Où qu’il aille et quoi qu’il fasse, Nawyr défend une philosophie : « Faire ce qu’on aime avec les gens qu’on aime ». Son équipe, c’est tout pour lui, sa rémunération en quelque sorte. Avec elle, et notamment son cadet de deux ans, il fait les quatre cents coups et trouve une raison d’écrire. Les idées fusent. Entre deux Toits du monde, il dessine. Et quand il ne dessine pas, il écrit, tourne, monte et jamais ne se démonte. L’an dernier, il s’est octroyé un petit cadeau spécial à l’occasion de son anniversaire. « J’ai réalisé que le jour de mon anniversaire ces dernières années, j’avais été en tournage. Je souhaitais l’être pour mes trente ans ! » Il choisit ainsi de réaliser un court d’une vingtaine de minutes, Attends le bonheur est à vendre !, le récit de Tony, jeune professeur contractuel, déprimé par deux échecs successifs au concours de professeur des écoles et subissant son quotidien. C’est donc caméra au poing que Nawyr passera son anniversaire, promettant à ses fidèles une histoire supplémentaire.

 

Macadam, vague à l’âme
Depuis quelques mois, il planche sur un nouveau film, Macadam, vague à l’âme, diffusé pour la première fois au Polygone Etoilé dans le cadre de la Semaine Asymétrique, et très bientôt ailleurs. C’est l’histoire de Chiara, en recherche d’emploi, qui se fait voler son téléphone. Ce dernier renferme un trésor d’une valeur inestimable. En parallèle, Juliette, lycéenne, est accro à son smartphone et en oublie le monde extérieur, tandis que Nadj, vendeur à la sauvette, cherche à se faire de l’argent. Des vies observées à la loupe qui se croisent et se décroisent pendant quelque vingt-cinq minutes. Une semaine avant la première projection, Nawyr confie en être encore au tournage. Quant trouvera-t-il le temps de penser à son prochain projet, 49/3, fiction futuriste (et réaliste) dépeignant le monde quarante-neuf ans et trois mois après la « loi travail » ?
Engagé, passionné, Nawyr n’en oublie pas de rester humble, mais considère encore ses rêves comme « accessibles ». Notamment, celui d’aller sur la Croisette entouré de son équipe. Yes, he Cannes !

Charlotte Lazarewicz

 

Rens. : www.yeswecannesproduction.com