Identités Remarquables | Martin Mey

Mature profonde

 

Le 29 mars prochain sortira le nouvel album de Martin Mey : Words (Without). Une atmosphère intime, électrique et brumeuse, portée par les c(h)œurs, qui vous laissera sans voix. Rencontre en paroles avec un artiste en éclosion.

 

Une heure avant de jouer au Petit Duc aux côtés de Nevché qu’il accompagne en tournée, à peine sorti de balances « à l’arrache », c’est un Martin Mey décontracté qui entre dans la cave d’un salon de thé aixois. Le jeune homme au petit air de dandy anglais rembobine le fil de sa carrière autour d’une tasse de « songe d’une nuit d’été », dans ce lieu onirique qui lui rappelle ses premiers émois de partages musicaux avec le public. Évocation d’un rêve d’une nuit d’automne devenu concret.

Cette alors qu’il joue dans une cave similaire fin septembre 2005, devant une trentaine d’Aixois, que Martin ressent pour la première fois le pouvoir de partager, vibrer avec ceux qui l’écoutent, et ressent l’envie irrépressible de pouvoir le vivre encore. Le jeune homme fait de la musique depuis l’enfance, du piano, initié aux bases d’instrument et de solfège par sa mère. Autodidacte, il s’essaye à la guitare, compose, mais ne chante pas. Il entend, depuis sa chambre d’étudiant en sciences politiques, des voisins musiciens et commence à jouer des reprises avec eux : chanson manouche, post funk, métal… les styles varient. Les petits concerts s’enchaînent. Porté par une passion grandissante, Martin, qui se décrit facilement comme « terre à terre », est décidé à faire « vraiment » de la musique, et à s’en donner les moyens.

Le début de sa carrière solo est teinté de funk, de pop anglaise. Il fait de la rue son cours de chant, et confie que chanter sur le pavé a fait « sortir sa voix ». Accompagné de loop sessions et d’un ampli à piles, il affûte ses cordes vocales. Ses influences, dans la lignée de son univers planant et mélancolique, c’est le trip-hop, le down tempo. Son premier EP Get Out And Live sorti en 2010 est un marqueur clair de cette période mélancolico-acoustique. Les choses s’accélèrent en 2012 lorsqu’il est présélectionné pour les Inouïs du Printemps de Bourges. Il est alors repéré par Interne-Externe, coopérative de « gens précieux » qui continue à le soutenir aujourd’hui. Ils lui permettent de développer son projet et de sortir un premier album électro-pop, Talking Off, produit par Simon Henner (Nasser, French79), qui lui fait découvrir les synthés et l’aide à se fabriquer les armes indispensables pour s’accompagner aux machines, pour composer sur ordinateur. Après une tournée réussie en formule trio avec basse et batterie, Martin se met à la composition d’un nouvel opus. Commence alors un long travail de création en solitaire, d’apprentissage de la confiance en soi. L’équilibre ego/doute chez l’artiste s’avère une alchimie délicate. Ses productions sont-elles assez bonnes pour se suffire à elles mêmes ? Martin ne le pense pas. Il a besoin de trouver les personnes idéales pour l’aider dans la réalisation de ce nouveau projet. Interne/Externe le met en relation avec plusieurs producteurs jusqu’à la rencontre de l’Anglais Majiker (producteur du célèbre album Le Fil de Camille). À l’écoute des maquettes de Martin Mey, la réaction de Majiker se révèle très positive : l’essentiel est là, tout est à garder, les compositions sont bonnes. Le Britannique produit l’album, mixé par Jo Pereira, entre France et Angleterre. Le résultat de cette collaboration, c’est Words (Without), un disque purement électronique. Nappes de voix, délai, harmonies vocales lui confèrent pour autant une touche délicieusement organique. Non sans rappeler un certain James Blake, la nouvelle formule est épurée, en solo, et fait de Martin Mey un artiste accompli. Il y a quelques semaines, il se produisait en première partie de Her à l’Espace Julien pour une (presque) première date de tournée. Tombée trois jours plus tôt, cette date lui aurait fait « perdre sa voix » il y a quelques années, mais aujourd’hui, seul sur scène devant ses machines et instruments, Martin n’a « jamais été autant en phase avec le public. » Ne ressentant « aucune gêne, aucun frein intérieur », il est « très confiant pour la tournée » à venir.

Remonter dans le temps et visualiser le jeune homme une dizaine d’années plus tôt permet de réaliser le chemin parcouru. Au-delà de l’expérience, c’est en confiance qu’il apparaît comme grandi, présentant une sérénité qui fait écho à son style musical. Le projet lui appartient dans sa globalité, jusqu’au tape art aux mille symboliques de la pochette de Words (without) dont il est l’auteur. Un personnalité complète, déterminée, une idée extrêmement précise de sa musique et une impatience palpable de vibrer au diapason avec son public, voici ce qui transparaît de ce talent grandissant.

 

Lucie Ponthieux Bertram

 

Prochaines dates :

  • Le 22/03 au Musée Regards de Provence (Boulevard du Littoral, 2e), pour le vernissage des expositions De la table au tableau et L’Art mange l’art, et le lancement de l’Année gastronomique en Provence

  • Le 11/04 au Théâtre Denis (Hyères), dans le cadre du festival Faveurs de Printemps

Rens : www.martin-mey.com / www.internexterne.org

L’autre (chouette) projet de Martin, en duo avec Gael Blondeau : www.ghostofchristmas.com