Kid Francescoli © Hawaii and Smith

Identités Remarquables | Kid Francescoli

Disque d’or France Football

 

Kid Francescoli, le meneur de jeu marseillais de la pop moderne, passe à l’attaque des bacs et des playlists avec son quatrième album, Play Me Again. Ralenti sur les onze années écoulées depuis le coup d’envoi de sa carrière musicale.

 

En 2006, on pouvait croiser Kid Francescoli à la sortie des salles de concerts marseillaises. Ayant dès sa prime jeunesse fêté le jubilé d’une impossible réussite dans le ballon rond, il exerçait alors en tant qu’ingénieur du son pour la télévision : pour OMtv, forcément, pour celui qui porte à la scène le nom d’une légende du foot phocéen. Flyers de son virginal album éponyme à la main, l’artiste au parcours solo naissant nous invitait à assister à ses rares concerts, des matchs de division d’honneur épars et limités à des salles locales.

Mathieu Hocine avait déjà évolué au sein de multiples formations musicales, mais il briguait le brassard de capitaine d’une équipe professionnelle, mû par le désir d’écrire sa propre histoire, d’être le seul « décisionnaire de la moindre seconde de chaque chanson ». Une ambition chevillée au corps depuis l’enfance, lorsqu’il se faisait des films et s’imaginait enregistrer des disques, donner des interviews, répondre à son public, prendre l’avion pour parcourir le monde et y distiller son talent. Ce rêve a partiellement pris forme quand sa carrière a décollé par l’effet combiné d’une rotation radio et web, d’une bonne presse, de rencontres judicieuses et de tournées réussies avec ses amis de Nasser et Oh! Tiger mountain. En point d’orgue, le beau succès de leur projet commun Husbands. Le temps des flyers semble loin pour ce grand soliste qui, dès son troisième album, a su se fondre au sein d’un collectif et déléguer une partie des tâches chronophages à son label. De l’importance d’être entouré des bons coéquipiers pour élever son niveau.

Après la pop de chambre de ses débuts, marqués par l’absence de contrainte lors de l’enregistrement de Kid Francescoli (2006) et de It’s Happening Again (2012), l’autodidacte a multiplié les séances d’entraînement pour développer ses qualités techniques, dans sa pratique de la musique comme dans l’enregistrement et la production. Il sait ses mélodies aujourd’hui plus affirmées et a gagné en confiance en trouvant sa voix en la personne de l’Américaine Julia Minkin. Une caution en langue anglaise qui lui a permis de muscler son jeu et de ne plus avoir à rougir au niveau des paroles et du phrasé. Viril mais correct au sujet des femmes, seules autorisées à plaquer leur voix sur ses compositions, il reconnaît qu’elles l’inspirent : « Quand je me trouve dans une impasse, je me dis qu’une voix féminine serait mieux dans le refrain. Je l’utilise comme un instrument », en même temps que cette présence est source d’« une ambiguïté qui crée la tension nécessaire » à la création.

Mathieu baigne désormais « du lundi au dimanche dans la musique, (sa) source d’inspiration principale : il n’y a rien qui (lui) donne plus envie d’en faire que d’en écouter. » Il se rend au studio au réveil et écoute sa production à l’heure du coucher. C’est droit au but (et dans ses crampons) qu’il admet que son plaisir réside dans le simple fait de répondre, quand on lui demande ce qu’il fait dans la vie : « Je suis musicien ». Son plan tactique était axé sur l’accession à son statut social actuel : « Les concerts, les chambres d’hôtel, les avions, le studio, l’aura. Tout réside là-dedans, je veux depuis le début être un musicien. (…) Et être tout le temps en avion pour faire des concerts partout : j’ai envie d’avoir toujours un endroit très très loin où aller jouer. »

Alors, il enregistre constamment car il « ne veut pas retourner en arrière » et souhaite « franchir des paliers ». Insatiable, il estime que s’il « touche du doigt le rêve, (il) ne baigne pas dedans : il faut encore redoubler d’efforts pour continuer à faire ce (qu’il) fait aujourd’hui, en version XXL. » Comme son idole sportive, qui était un exemple d’élégance, c’est beau joueur qu’il dit devoir progresser au niveau du chant et du jeu sur scène. Et s’il commence à se faire un nom sur la scène européenne, il ne se considère pas encore au niveau des grosses écuries internationales mais redouble d’efforts pour y parvenir : « Sur mon dernier album, j’ai fait tout ce que j’ai pu. En termes de composition, de suites d’accords et de mélodies, je suis allé au bout de ce que je pouvais faire. Chacun fait ses mélodies, certaines sont plus accrocheuses que d’autres, ont plus de succès que d’autres. Il ne faut pas chercher plus loin. Je suis content des miennes, j’ai creusé pour les trouver, je n’aurais pas pu creuser plus bas. » L’important, c’est les trois points.

Pas de velléité de transfert à l’étranger, l’amour du maillot le pousse à se sentir bien dans sa ville, car « c’est trop gros ailleurs. Il y a ce truc à Marseille, la Corniche, les plaisirs simples. » Partir pour jouer, revenir pour vivre. Sur ses possibilités d’élargir son horizon musical, il joue la défense en évoquant avec précaution une reprise enregistrée pour une publicité (Lacoste) ou un projet de bande son cinématographique. Si Enzo n’avait joué qu’une saison à Marseille, Kid Francescoli y bâtit pour sa part une carrière au long cours. Pour cela, il prend les matchs les uns après les autres et se renforce par petites touches entre chaque saison, cherchant à progresser dans le jeu sans remettre en question les fondamentaux. Comme son illustre modèle, il est au fait que les plus grands palmarès naissent de la répétition des efforts, que c’est à force de travail qu’on parvient à laisser une trace dans l’histoire de son sport. Ou de sa musique.

 

Sébastien Valencia

 

Play Me Again (Yotanka) : sortie le 3 mars 2017

Rens. : kidfrancescoli.com / www.yotanka.net/fr/artists/kid-francescoli