French 79 © Flashback Marseille Photographie

Identités Remarquables | French 79

The Mars Machine

 

Après avoir composé pour La Goutte, Nasser et Husbands, puis produit tout un tas de projets locaux, Simon Henner sort son premier album solo. Avec French 79, va-t-il réussir un nouveau hold-up ? Et surtout : peut-il être l’homme de la situation ?

 

On a coutume de dire que les premières impressions sont souvent les bonnes. La première fois que j’ai rencontré Simon Henner, il y a sept ans dans un local de répétition, il n’a pas dit un mot. Ou si peu : ses collègues de Nasser s’en chargeaient pour lui. Il était là, en retrait, posé, et si on s’en était tenu aux apparences (cette erreur de débutant), il aurait tout à fait pu faire un genre de « troisième homme ». Même topo avec ses copains de Husbands un peu plus tard : les deux Mathieu ont tellement l’habitude de la lumière lorsqu’ils opèrent en solo (Oh ! Tiger Mountain et Kid Francescoli) que Simon apparaît presque, dans la psyché collective, comme la troisième roue du tricycle. En fait, c’est un peu plus compliqué que ça. Et à la fois très simple à comprendre, puisque le garçon ne cherche jamais à s’accaparer les honneurs. Alors nous allons tâcher de dire les choses clairement une bonne fois pour toutes : l’identité sonore de Nasser et Husbands, c’est lui. Lui entouré de personnalités artistiques fortes, qui légitiment le projet en question, mais dont il reste par définition le pivot. Parce qu’il produit. Parce qu’il est l’épaule solide et discrète sur laquelle chacun peut aller s’appuyer. Parce qu’il rassemble autour de lui — sa récente prestation à Marsatac en est une éclatante démonstration. Et enfin parce qu’il sait fermer sa gueule, ce qui est toujours utile quand on se retrouve au centre d’une constellation d’egos.

 

Olympique

Pour mieux comprendre ce qui plait tant, ici comme ailleurs, chez Simon Henner, il faut revenir sur son parcours. Un bon producteur, c’est avant tout un bon musicien. Et avant d’appuyer sur des boutons, ou de les faire tourner tel un chef cuisinier devant sa plaque de cuisson, ce Lorrain d’origine a passé toutes ses jeunes années à bouffer du piano et des percussions au Conservatoire, non sans mal on l’imagine, mais aussi parce qu’il le voulait bien. De fait, à l’adolescence, quand tous ses potes commencent l’apprentissage d’un instrument, lui joue sans peine de la guitare ou de la batterie dans son premier groupe de rock — un point en plus. Simon est un ado des 90’s, c’est là qu’il se construit. De Nirvana, il passe aux Beastie Boys qui dressent le pont et l’emmènent à la découverte du hip-hop : premier choc. Puis vient le second, dans une même optique de transition : à dix-huit ans, il prend en pleine poire le Homework de Daft Punk, comme beaucoup d’autres certes, sauf qu’il décide d’en faire quelque chose. Le home studio est alors une révolution/révélation : il est possible de faire de la musique chez soi et de la faire rayonner ensuite beaucoup plus loin. Il s’achète donc du matériel, s’enfile un par un les manuels de logiciels : toute l’histoire de sa génération. Simon arrive bientôt à Marseille, entame des études d’ingénieur, continue à consacrer beaucoup de temps à sa passion, mais aussi à ses deux autres : les voyages et les sports de glisse. L’avantage avec ce genre de passions, c’est qu’on peut les combiner : Simon part surfer au Brésil, et en revient avec le titre d’ouverture de l’album qui paraît aujourd’hui. Simon part s’isoler à Chamonix face aux montagnes (il pratique le parapente et l’alpinisme, ça vous pose un tempérament) et en tire le morceau qui donne son titre à ce même album, Olympic… Oui, je sais, c’est un peu agaçant cette perfection à tous les étages, cette propension à réaliser tout ce que rêve de faire un gamin normalement constitué, seulement voilà : tout cela le constitue, se ressent d’une manière ou d’une autre dans sa musique, et ce n’est même pas lui qui la ramène ici, c’est moi. Il y a ce paradoxe chez Simon : c’est un mec simple, plutôt doux, qui joue collectif sans donner l’impression de se poser trop de questions, et pourtant sa trajectoire, donc ses choix, font montre d’une maîtrise impressionnante. Rien n’a été fait à moitié pour ce disque. Sceptique au départ sur le format, il l’a bûché consciencieusement, chaque jour à la tâche, avant d’en confier l’artwork et la dimension visuelle à ses amis clippers de toujours (les Nancéens de Cauboyz). En résulte un logo qui risque de faire date, oui, un logo, comme on en voit dans les pubs (Simon est aussi une caution cool dans ce milieu), un logo brodé comme on a pu en voir chez certains groupes avec une vision, au hasard… les Daft. Il n’y a pas de hasard. Il n’y a que des étapes que l’on valide. French 79, donc.

 

 

Move your buddy

Qu’est-ce que French 79 ? Un projet électro qui découle logiquement d’une certaine école française ayant fait ses preuves ? Oui, merci, c’est écrit dessus. Mais encore ? C’est pop, c’est dancefloor, ça monte, ça descend ? Oui, un peu tout cela. Ce que l’on peut en dire très simplement, au-delà du fait que c’est son projet le plus équilibré, c’est que ça lui ressemble : c’est contemporain et optimiste, c’est de la musique pensée pour les potes. Yep : Simon fait de « l’Electronic Buddy Music », voilà, ça sonne bien. Et chacun y trouvera son compte, tant et si bien qu’il ne serait guère étonnant que certains titres soient récupérés pour de la « synchro » publicitaire, voire en pastille pour un générique d’émission lambda en access prime-time… ça peut. Sinon, un peu plus près du plancher, il y a le live. Pas forcément un truc évident quand on ne veut pas mentir au public avec des machines, mais Simon a tout compris de la façon dont il devait le faire vivre : il joue le jeu du direct en assurant un minimum ses arrières (coucou le sport…), appuyé par quelques vidéos qui ne font que souligner son indéniable présence (une vraie gageure quand on sait à quel point un live électronique peut être chiant). Tout est en place, donc. On pourrait presque deviner la suite… Alors il est logique de poser la question : que Simon va-t-il faire de tout cela ? Depuis ses premières expériences phocéennes avec La Goutte ou Dubmood, il n’a cessé d’évoluer avec son époque, de coller aux tendances, d’accompagner l’essor d’une scène qui n’en est somme toute qu’à ses balbutiements. Simon a produit des albums pour Kid Francescoli, Martin Mey, Isaya tout récemment, Dissonant Nation très prochainement… Sa palette est large : il peut aller beaucoup plus loin. Il souhaite aller beaucoup plus loin. Le hip-hop est une option, elle coule de source en ce qui le concerne. Le R’n’B aussi, le rock, toujours… Il y a tant à faire, tant d’autres choses à dépasser tout en restant fidèle aux siens. Aucun souci de ce côté-là. Décidemment, une excellente impression.

PLX

 

French 79 – Olympic (Alter K) : sortie le 21/10

Rens. : www.facebook.com/french79music / https://soundcloud.com/french79music