Marion Pellissier

Identité Remarquable | Marion Pellissier

Roman Pellissier

 

En décembre dernier, la metteuse en scène Marion Pellissier présentait au Zef son dernier opus, Dédale, une fable immersive qui propose au spectateur une expérience singulière, plongée dans un univers labyrinthique et oppressant. L’occasion pour Ventilo de revenir sur le parcours de cette artiste nouvellement associée à la « Bande » de la Scène nationale.

 

 

Autrice, metteure en scène, scénographe, en un mot touche-à-tout, Marion Pellissier a été formée au Conservatoire de Lyon en 2007, puis à l’ENSAD de Montpellier. Dès la fin de ses études, elle se tourne vers la mise en scène qui est pour elle l’aboutissement d’un geste d’écriture. Elle collabore avec Cyril Teste du collectif MxM comme assistante, avant de créer sa compagnie La Raffinerie à Montpellier en 2013, afin de monter ses premiers textes. Très vite, ses créations rencontrent le succès : Ça occupe l’âme et Les Petites Filles ont notamment été jouées au Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines, où elle a été artiste associée pendant quatre ans. Elle a également écrit en 2019 le livret d’un opéra pour le jeune public, Narcisse, qu’elle a mis en scène en y incluant de la vidéo.

La particularité du geste artistique de Marion Pellissier réside dans cette ambiance très particulière qu’elle installe sur le plateau. Dédale, qui déroule évidemment le mythe du Minotaure, se veut également thriller métaphysique. On y suit les déambulations d’un « héros », assez peu héroïque, prisonnier d’un labyrinthe et épié par un monstre équipé d’une caméra. Allégorie d’un coma, Dédale envoie son personnage aux frontières de ce monde. Marion Pélissier revendique l’influence des films de David Lynch ou de Stanley Kubrick, mais pas uniquement. « Je puise dans la culture populaire, on peut penser à Alien ou à des séries télévisées en voyant mon spectacle par exemple. Je n’ai pas de hiérarchie dans mes références. Je travaille sous forme de tableaux avec des images qui marquent. J’adore fabriquer des images, c’est aussi ça, le théâtre. » L’outil vidéo s’avère effectivement très présent dans les spectacles de Marion Pellissier. Si le texte vient toujours en premier, il faut, une fois au plateau, résoudre les problèmes et déplier la narration. « C’est un outil essentiel pour moi car il permet de rendre la scène moins bavarde et de la raconter d’un autre point de vue. En outre, on reste dans le spectacle vivant puisque tout est filmé en direct. D’où la nécessité de la symbiose entre les techniciens et les comédiens. »

Qui dit immersion, dit création sonore, qui tient également une place essentielle dans les spectacles. Dédale surprend par sa bande-son, qui manipule les émotions du spectateur, comme dans une salle de cinéma. « On travaille effectivement beaucoup l’ambiance sonore ; cela permet de ciseler la narration. Le son est un outil cinématographique formidable. Les bruits, les craquements permettent de modifier le geste d’écriture et renforcent ainsi l’effet d’immersion dans le spectacle. »

À l’instar de son spectacle précédent, Les Petites Filles, dans lequel les protagonistes féminines devaient se vendre pour sortir de prison, Marion Pellissier aime à placer ses personnages dans des situations extrêmes, où seul compte leur instinct de survie le plus absolu. « Je me pose souvent la question : qu’est-ce qui anime les personnages ? J’essaye souvent de sauver un personnage médiocre, j’ai de l’empathie pour lui. Cela me permet d’aborder la complexité des rapports humains. »

En tirant plusieurs fils narratifs, la dramaturge affirme son goût pour les énigmes et les enquêtes. « J’ai envie que le spectateur soit actif dans la pénombre et fasse un effort pour comprendre le sens. Je le sollicite en permanence en laissant des indices afin qu’il s’approprie la fable. J’essaye de créer une nébuleuse autour du sens, ce qui demande un dosage subtil. J’essaye également d’éviter le pathos, certes les images peuvent être violentes par moments, mais je fais respirer la narration avec des scènes clownesques. »

Le jeune public, adolescent voire « jeune adulte », accueille les créations de Marion Pellissier avec enthousiasme. Si elle se sent très proche de cette audience à la fois exigeante et généreuse, elle n’écrit pas forcément dans cette optique et ne cherche pas particulièrement à plaire à la Génération Z. « Je sens que nous partageons une même culture populaire. Le Zef m’a donné l’opportunité depuis quelques années d’aller à leur rencontre sous la forme d’ateliers théâtre et vidéo. J’ai également créé deux petites formes qui peuvent se jouer dans une salle de classe. Je suis ravie de poursuivre ce chantier en tant que nouvelle artiste associée. »

 

Isabelle Rainaldi

 

Rens. : https://www.lezef.org/fr/les-artistes-de-la-bande/marion-pellissier-29