Honest Jon’s Chop Up 2011 : le 30/10 au Dock des Suds

Honest Jon’s Chop Up 2011 : le 30/10 au Dock des Suds

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Le banquet du peuple

C’est l’événement de la vingtième Fiesta des Suds : un concert de clôture exceptionnel autour des artistes du label Honest Jon’s, pépinière anglaise de talents issus des quatre coins du globe. Un projet qui en dit long sur l’ouverture d’esprit de son géniteur, Damon Albarn.

« Chop Up » : en argot nigérian, le « festin », les « agapes ». Un banquet où chacun est invité à festoyer, qui qu’il soit, d’où qu’il vienne, pour peu qu’il ait quelque chose à apporter au grand édifice et qu’il ait envie de le partager avec les autres. Ce banquet, c’est l’Anglais Damon Albarn, leader de Blur et co-fondateur de Gorillaz, qui l’a voulu. Mais ne le dites pas trop fort, ça pourrait l’agacer. Damon Albarn a beau être au centre de la fête, il n’en est que le porte-voix : tous les artistes qu’il a réunis au cœur du « Honest Jon’s Chop Up », cette série de concerts itinérants organisés par son label (Honest Jon’s), sont placés sur un même pied d’égalité. Qu’il s’agisse de stars ou d’illustres inconnus. L’affaire a débuté en 2008, sous la forme d’une « jam » concrétisant cette idée simple mais fabuleuse : faire jouer ensemble des musiciens que rien — a priori — ne prédisposait à se croiser un jour. Pour cette tournée 2011 d’une poignée de dates (dont celle-ci est la seule en France), sont ainsi présentés sur une même scène : Tony Allen (historique batteur de Fela Kuti), Flea (bassiste des Red Hot Chili Peppers), Theo Parrish (figure culte de la deep-house), Fatoumata Diawara (chanteuse et comédienne malienne), Hypnotic Brass Ensemble (fanfare jazz noire américaine), M.Anifest (rapper ghanéen), Cheick Tidiane Seck (claviériste malien de renom) et enfin Shangaan Electro (étonnant collectif sud-africain utilisant des marimbas sur un tempo effréné). Tous seront là, ensemble, et personne ne sait vraiment comment ils vont jouer. Un vrai bordel à organiser, selon les agendas de chacun, mais aussi, pour l’équipe du Dock des Suds (Latinissimo), une validation historique du travail qu’elle mène depuis de longues années avec les acteurs des musiques du monde. C’est en effet à l’occasion de Babel Med, le « petit frère de la Fiesta » consacré à la découverte (chaque année au printemps), que le label Honest Jon’s a pu prendre contact avec le Dock. Au final, ce dernier clôture de la plus belle des façons une vingtième édition anniversaire qui a déjà connu beaucoup de temps forts.
Mais au-delà du feu d’artifice annoncé, pourquoi cette prestation est-elle si importante ? Parce qu’elle souligne ce que doit être la musique dans le futur (et ce qu’elle aurait toujours dû rester) : une porte ouverte sur le monde, un médium universel, un langage qui dépasse les frontières, géographiques, temporelles, culturelles, artistiques. Évidemment, ça paraît extrêmement simple, mais ce n’est pas à la portée de tout le monde. Il aura fallu qu’un homme, connu et suffisamment humble pour ne pas cannibaliser le projet, se serve de sa grande notoriété pour la mettre au service de gens que l’industrie oublie. Leader de l’un des meilleurs groupes pop de son temps, devenu star avec un projet audiovisuel bancal mais fédérateur, Damon Albarn aurait pu se lancer en solo ou capitaliser sur ses royalties. Il a préféré se consacrer à la vraie vie, aux rencontres, aux voyages. Ça a commencé en 2002 avec Mali Music, projet spontané où il se glissait parmi des musiciens maliens. A partir de là, il a signé sur son label tout ce qu’il trouvait d’excitant au fil de ses pérégrinations, initié d’autres projets similaires tels Africa Express, soutenu l’ONG Oxfam International. Sans jamais la ramener comme peut le faire un Bono, ni d’ailleurs chercher à rameuter les médias (ce qui est toujours un signe d’intelligence). En fait, Damon Albarn exprime tout simplement ceci : l’homme du futur est celui qui saura se servir de ses réseaux pour en créer d’autres. Il aura une vision à 360°, il sera réfléchi, accueillant, apaisé. Dans le monde de la pop, il n’y a guère aujourd’hui que ce type-là et Thom Yorke (Radiohead) pour faire avancer ainsi les idées. Ce ne sont plus des icônes charismatiques telles qu’on en avait dans les années 60 ou 70, mais des repères à taille humaine qui véhiculent une autre forme de révolution propre à leur époque. Celle-ci a changé : il s’agirait maintenant de penser collectif.

PLX

Honest Jon’s Chop Up 2011 : le 30/10 au Dock des Suds.
Rens. www.dock-des-suds.org / www.honestjons.com