Gare centrale présenté au Pavillon Noir

Gare centrale présenté au Pavillon Noir

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Le tourbillon de la vie

Créée à Bourg-en-Bresse en Novembre 2010, Gare centrale, nouvelle pièce chorégraphique de la Compagnie Grenade de Josette Baïz, démarrait sa tournée par trois représentations au Pavillon Noir.

Lieu de départs, d’arrivées et de passages, lieu de rencontres, de croisements et de solitudes, lieu d’attentes, d’errances et d’ennui, lieu de déchirements, d’espoirs et de perspectives, une gare, a fortiori centrale, est en elle-même un lieu porteur d’une multitudes d’images et de situations. Dans ce décor, composé dans sa partie basse d’un mur de fond et de chaises, c’est surtout la verrière de la partie supérieure qui s’avère frappante. Considérée dans son ensemble, elle évoque une toile d’araignée où viendraient se prendre les êtres, alors devenus des proies, qui de leur ennui, qui de leurs ennuis, qui de leur destin… En sa partie centrale apparaît une flamme, celle qui anime la vie, les passions, les élans et la danse donc, quand la danse est passion. En son cœur proprement dit, cette verrière porte la vie, le monde et son origine, telle que peinte par Courbet, en une manière d’épicentre de nos mouvements et agitations. C’est de cela qu’il s’est agit, de cet espace temporel entre la vie et la mort, et des passions, des soucis, des petits drames et des petites comédies que nos sociétés rejouent sans cesse pour combler l’espace. Les danseurs revenant finalement à leurs positions initiales, la pièce peut être prise comme un songe merveilleux où la lumière l’emporte haut la main sur la grisaille.
D’où le choix de cette musique, l’un des grands plaisirs mais aussi le seul regret que cette production laisse : on aurait aimé voir joués par un orchestre les clavecins et violoncelles, flûtes et violons des concertos et sonates de Bach, choisis pour faire triompher le dynamisme et l’allégresse. Ces parties sont alternées avec des pièces modernes, œuvres de Jean Jacques Palix, et des mises en espace sonores destinées à faire partir ou passer des trains, signifier les temps d’attente, marquer les différents tableaux. A cette faveur, des annonces soulignent le caractère absurde de certaines règles, le côté conditionné de certaines attitudes et esquissent un commentaire social sur la force de la norme, la difficulté de la différence. Bien que demandant beaucoup d’énergie, ce n’est pas la force qui l’emporte dans cette expression chorégraphique ; c’est la légèreté, l’élasticité, la grâce des moments amoureux, même évocateurs de parades. Les danseurs, merveilleux tant individuellement qu’en groupe, semblent porter plusieurs entités, dont l’une serait dans le visage, une autre dans la gestuelle, une autre encore dans la capacité à soudainement libérer un animal chimérique qu’il porterait en eux. Une des raisons en est que l’on cherche visiblement des êtres, avec leurs histoires, leurs charismes propres plutôt qu’une pseudo perfection physique, quasi clinique. Ils sont d’autant plus beaux qu’ils sont vivants, avant tout autre considération. Mais déjà, une lumière solaire apparaît, repart la sarabande des violoncelles et violons — profondeur et élévation de l’âme humaine — et les passagers sont invités à se présenter au quai pour un retour à la réalité. La position initiale est reprise à l’identique, un beau rêve s’achève, qui nous accompagnera quelques temps encore…

Texte : Frédéric Marty
Photo : Léo Ballani

Gare centrale était présenté du 13 au 15/01 au Pavillon Noir (Aix-en-Pce)