Benoît Moreau trio

Galette | Rêve Party de Benoît Moreau trio

Guitare hero

 

Le néo-phocéen et guitariste Benoît Moreau sort en trio son premier album, Rêve Party. Retour d’écoute de cet opus jazz qui s’inscrit dans l’air du temps.

 

 

Dans la production discographique actuelle de jazz made in Marseille, l’album du trio de Benoît Moreau a ceci de touchant qu’il confine à l’épure. Formule casse-gueule que celle d’un groupe reposant sur l’interplay entre trois musiciens avec un guitariste en leader. De fait, la guitare peut être utilisée comme un instrument harmonique et mélodique, mais elle est toujours regardée avec quelque dédain par rapport aux capacités orchestrales d’un piano, censément plus « noble ». C’est justement cette velléité de redonner ses lettres de noblesse à un instrument souvent marqué du sceau du vulgaire qui fait le charme des propositions de ce trio. Pratiquant la guitare depuis l’âge de sept ans, avec un parcours jalonné de succès d’estime, Benoît Moreau, installé depuis peu dans la cité phocéenne, a su solliciter le contrebassiste Olivier Pinto — qui a sorti un remarquable premier album en septette en plein marasme pandémique— et le batteur Raphaël Sonntag — un son au diapason avec le guitariste, comme une réminiscence de sa fréquentation des ateliers de Gérard Sumian, l’un des mentors les plus recherchés du jazz à Marseille…

Le disque s’ouvre sur une plage jazz-rock du meilleur aloi (Stellar), façon John Scofield au naturel, avec des « miaulements » de guitare maîtrisée et une section rythmique à l’élégance assumée, sans autres effets que ceux du plaisir du jeu. Et l’on navigue ainsi entre onirisme bluesy (Day Fever) et grooveries sensibles (Aurinko) dans une simplicité assumée, lorgnant vers un dénuement acoustique sans fard. Certaines mélodies ont un côté pop subtil (She Says I talk too much about my music), inscrivant le répertoire dans une inclination des plus actuelles dans le jazz contemporain, avec un je-ne-sais-quoi d’appétence électro dans le son d’ensemble — on sait aussi le leader praticien du chant des machines par ailleurs.

On ne s’étonnera pas de la maestria des musiciens — le répertoire a été conçu pour le concours de fin d’études au conservatoire de Marseille — ni, d’ailleurs, de leur plaisir à faire ressortir quelques racines des boppers qu’ils sont (l’inquiétant SDF, un blues mineur au taquet ; The Blues Boppers, avec ce clin d’œil à Jake & Elwood eux-mêmes).

La gestion maîtrisée de la matière sonore, jusque dans le soin accordé aux codas, n’obère en rien le sens de la poésie qui émane des huit plages de cet album : trois funambules invitent dans un univers singulier, qui a quelque chose des parfums de l’enfance.

 

Laurent Dussutour

 

Dans les bacs : Benoît Moreau trio – Rêve Party

Plus d’infos : www.facebook.com/BenoitMoreauTrio