François-Marie Luca - (Dé)visages

François-Marie Luca – (Dé)visages

Face(s) Book

 

Artiste natif — et inventif — de Marseille, François-Marie Luca signe une énième collection de visages, tous plus enchanteurs les uns que les autres. Son exposition intitulée (Dé)visage met en beauté une bonne vingtaine d’œuvres rythmées par d’honnêtes coups de pinceaux. Des tableaux intentionnellement défigurés, qui nous font de l’œil… ou nous laissent carrément bouche bée.

 

C’est au cœur d’une charmante galerie située Cours Estienne d’Orves, où les tommettes viennent mordorer les murs immaculés, que François-Marie Lucas a pris ses quartiers. Bercés par la soufflerie estivale d’un ventilateur disposé pour l’occasion, les visiteurs y déambulent de tableau en tableau, de contours en traits, de flou en netteté.

Mais que découvre-t-on lorsque l’on s’approche à notre tour ? Des visages déstructurés mais qui n’ont ici d’autre choix que d’être scrutés. Des visages analysés mais qui donnent la sensation que nous sommes, nous aussi, dans le viseur. Leurs couleurs vives, criantes, leur géométrie tantôt grossière, tantôt aérienne sont autant d’atouts pour nous infiltrer et nous intimider.

Quoi, ces gueules ? Qu’est-ce qu’elles ont, ces gueules ? En glorifiant ainsi le faciès, Francois-Marie Luca se donne pour mission d’interpeller son public. Il prend aussi le risque de le heurter puisqu’il évoque immédiatement « la violence des traits ». Des gros traits bruts faits au couteau et au carton, qui tranchent d’ailleurs avec ce que l’on retrouvait dans ses œuvres précédentes. Quand il « raconte » son travail, l’artiste-dessinateur marseillais se blinde de jolies références (Dubuffet, Soulages), parle de la simplicité des supports utilisés (un bon gros pinceau, des feuilles canson bien épaisses, de l’encre et de l’aquarelle sur papier), mais n’omet pas un clin d’œil au street art. On imagine facilement, en effet, que ses visages viennent enluminer les rues de la cité.

En expérimentant le principe de la décomposition et de la déstructuration des visages qu’il crée, François-Marie Luca casse les codes et sort très certainement de sa zone de confort. Peut-être pour mieux comprendre ce qui l’anime : « Avec cette exposition, l’objectif est que les gens prennent le temps de décortiquer et d’analyser les tableaux », conclut-il. Que ces « voyeurs délibérés » vivent la contemplation pour de bon, qu’ils saisissent les œuvres en se tenant à distance. Que ces « ganaches » deviennent une évidence.

Et ces visages, sont-ils marseillais ? C’est envisageable, bien que l’artiste ne leur donne aucune réelle identité. Des visages pop, des visages du voyage, des visages transformés et mutants, des visages « posés » dans des cadres d’une grande modestie. Souvent, les visages s’inscrivent parfaitement dans le décor qui les cerne : pied de nez poétique au parfait cliché Instagram, à l’heure du « fast selfie » et de la quête désespérée de l’autoportrait réussi ? Il faut parfois mettre le « message intrinsèque » de côté et ne regarder que ce qui a du relief : ici, François-Marie Lucas fait du beau, de l’intriguant, du généreux, de l’égayant, du mystérieux, du gouleyant…

L’exposition (Dé)visages nous offre l’opportunité de rencontrer de nombreuses figures de style et de nous raconter nous-même la petite légende associée. Ordinaires ou fascinants, ces visages « différents » sont les témoins d’un talent en pleine liberté. Une bonne raison d’aller lorgner ça de plus près !

 

Pauline Puaux

 

François-Marie Luca – (Dé)visages : jusqu’au 28/07 à l’Atelier François-Marie Luca

(25 Cours Estienne d’Orves, 1er). Rens. : francois-marie-luca.com