Franck Lesbros – The White Cube Sentence à la Galerie du Tableau

Entre les murs

 

Loin des festivités associées à 2013, Bernard Plasse continue de montrer de l’art contemporain et de soutenir les artistes. Sans aucune concession aux modes et aux tendances, la Galerie du Tableau, qui accueille cette quinzaine Franck Lesbros, demeure ainsi pour les artistes marseillais un havre de paix où l’on s’entend encore penser…

En 1976, Brian O’Doherty définissait le white cube (la galerie d’art) comme un espace blanc, idéal, qui, mieux que n’importe quel tableau, pouvait constituer l’archétype de l’art du vingtième siècle. Quelques années plus tard, le white cube devient lui-même sujet d’art.
Sujet et cadre formel de l’œuvre : dans The White Cube Sentence, Franck Lesbros opère une mise en abîme en projetant sur les murs une vidéo d’un white cube vide. L’ambivalence entre l’image projetée sur le mur, montrant un espace blanc, répète les querelles entre objectivité et planéité de l’image picturale et de l’espace qui la contient… Franck Lesbros joue avec les références du regardeur en réinstaurant un dialogue posé jadis entre la galerie et les œuvres. Il rappelle ainsi les exercices  tautologiques de l’art moderne, notamment ceux de William Anastasi qui, en 1961, accrochait sur le mur de la galerie une photo du même mur de cette même galerie.
Dans The White Cube Sentence, Franck Lesbros montre un espace blanc, immaculé, qui subit au rythme saccadé d’un marteau de président des dégradations physiques causées par le feu, de l’eau, de la peinture… La bande son — évocation des salles de tribunaux — et le montage montrent une succession frénétique d’images en un zapping qui marque un changement d’espace, de temps et d’état, en plus d’offrir au titre une double interprétation sémantique.  Les différents plans montrent ces chambres vides hantées par les voix de personnages absents, qui se détériorent ou se remplissent au fil des images. La vidéo se construit sur des problématiques inhérentes aux principes cinématographiques, comme une linéarité chronologique perturbée et l’intervention de phénomènes extérieurs à l’espace. Franck Lesbros emmène sa pratique artistique vers des formes fictionnelles convoquant de plus en plus le septième art, avec une appétence particulière pour une pratique « artisanale ». Un peu à la manière d’un Michel Gondry qui, rappelons-le, donnait l’année dernière des cours de cinéma au Centre Pompidou, ouvrant officiellement des ponts entre art contemporain et cinéma. Non plus comme sujets l’un de l’autre mais comme pratiques perméables. On sent chez Franck Lesbros le désir d’aller vers le mouvement et le récit, tout en gardant le goût des belles images, un intérêt jubilatoire pour leur fabrication et une réelle prise en compte du regardeur qui, chez l’artiste, devient peut-être spectateur…

Céline Ghisleri

Franck Lesbros – The White Cube Sentence : jusqu’au 2/02 à la Galerie du Tableau (37 rue Sylvabelle, 6e).
Rens. 04 91 57 05 34 / www.galeriedutableau.org

Pour aller plus loin : www.francklesbros.com