Forsythe Forever

Forsythe Forever

‘Perfect Gems » ou quand le Festival de Marseille s’attaque au classique… Pures, transparentes, poétiques ou géométriques, ces trois pièces précieuses déconstruisent et subliment la danse classique sous l’égide du toujours génial… (lire la suite)

Perfect Gems ou quand le Festival de Marseille s’attaque au classique… Pures, transparentes, poétiques ou géométriques, ces trois pièces précieuses déconstruisent et subliment la danse classique sous l’égide du toujours génial William Forsythe[1].

Comment penser l’héritage de la danse classique ? Existe-t-elle encore ? Questions posées au regard des trois joyaux interprétés par le prestigieux Ballet royal de Flandre[2]. Ces pièces s’inscrivent dans une volonté de transformation de la danse classique sans la dénaturer. La dernière[3], In the Middle, Somewhat elevated de William Forsythe, fut et reste un véritable événement dans l’histoire de la danse. Le chorégraphe s’est inspiré de l’architecture en explorant l’axe du corps et ses variations dans tous les plans. Les membres sont comme des segments, des lignes obliques, droites ou brisées. Le corps semble être inscrit et se mouvoir à la fois dans un cercle et dans un carré. On pense à L’homme de Vitruve de Léonard de Vinci et à ses divines proportions (le fameux dessin utilisé dans la pub d’une boîte d’intérim). Mouvements parfaits d’homme-machine, l’effort semble ne plus exister. L’exécution est extrêmement rapide, les entrées et les sorties du carré de lumière au centre de la scène se font en marchant. Danse très physique, d’un fort engagement, avec des portés vertigineux et sublimes d’inventivité. Cette prise de risque, inhabituelle pour des danseurs sur pointe, balaie tous les attendus de la danse classique par un immense travail technique, physique et artistique. Forsythe et ses danseurs cherchent à utiliser la matière corporelle dans tous les sens. Les interprètes sont disposés dans un espace très découpé par la scénographie et la lumière au sein d’une ambiance sonore métallique au volume outrancier. La narration du ballet classique s’en voit radicalement modifiée. Peut-on alors parler de danse contemporaine ? Et si la question ne se posait pas, si les frontières n’existaient pas ? Une danse pure, détachée, avec son style propre, se résumant à trois éléments : le corps, la lumière et la musique. Pris aux tripes, on s’étonne de la force encore bien vivante du langage classique auquel Forsythe a redonné sens et perspective en une déstructuration hautement réussie, loin de toute fiction romantique et tout proche de l’universel…

Texte : Eva D
Photo : Johan Persson

Perfect Gems était présenté jeudi 22 & vendredi 23 juin au Parc Henri Fabre

Notes

[1] Formé aux Etats-Unis, Forsythe entre dans l’histoire de la danse en établissant la notoriété du Ballet de Francfort dès 1983. Il a créé une soixantaine de pièces.

[2] Dirigé depuis 2005 par Kathryn Bennets, spécialiste du répertoire de Forsythe avec qui elle a collaboré quinze ans au Ballet de Francfort.

[3] Les deux autres pièces présentées : The Grey Area de David Dawson et In the night de Jerome Robbins.