Festival Mehfil

Des Indiens dans la ville

 

C’est à un véritable tour d’horizon artistique auquel nous convie le festival Mehfil depuis quatre ans. Du nord au sud, de l’est à l’ouest, l’art millénaire indien nous est dévoilé entre musique, danse et poésie, à l’image des soirées d’antan au sein des maisons de nobles ou de somptueux palais royaux. C’est le principe même des mehfils : concerts, récitals de danse, textes sacrés, poésies, rencontres artistiques et saveurs épicées régalant les hôtes. Ainsi se décline la programmation de cette nouvelle édition.

 

Présents à Marseille depuis une dizaine d’années, les artistes Bengalis Maïtryee Mahatma et Nabankur Bhattacharya insufflent un air indien sur Marseille. Avec le festival Mehfil et tout au long de l’année par le biais de l’Indian Arts Academy – Taal Tarang, ils nous invitent à découvrir leur authentique culture ancestrale.

Ce périple musical nous a déjà emmenés au Rajasthan, au cœur du désert du Thar, où Anwar Khan, chanteur, joueur de tablas, d’harmonium et directeur artistique, a pris ses racines. C’est la musique folklorique de cette région qui a été dévoilée au Musée du Terroir Marseillais le 24 novembre, en suivant les ballades épiques des divinités et héros sur les rythmes effrénés de la musique, du chant et les tournoiements colorés de la danse.

Incredible India ! Au Théâtre de l’Œuvre (le 1/12), l’Office du Tourisme de l’Inde à Paris nous assure le dépaysement avec les plus merveilleux sites et détours secrets divulgués par un de ses représentants lors d’une projection-rencontre qui guidera nos pas vers des saveurs épicés à déguster sur place, suivies du récital de danse d’Armelle Choquard et Julie Rochon. La danse, indissociable de la culture du pays.

Deux styles de danse classique indienne seront à l’honneur, le bharata natyam (danse de l’Inde du Sud, et plus particulièrement du Tamil Nadu) et le kathak (danse du nord-ouest). Cet art codifié est issu de l’énorme recueil Natya Shastra écrit en sanscrit par le sage Bharata vers notre Ier siècle à partir des Vedas, textes sacrés datant du XVe siècle env. avant J.C. Mythologie hindoue, poésie et littérature indienne sont aujourd’hui au répertoire : accompagnées par des musiciens, un.e chanteur.se et le son de leurs clochettes de cheville, gangourous (symbole de la vibration cosmique), gestes, rythmes et expressions du visage sont le vocabulaire des danseuses qui expriment sentiments théâtralisés (abhinaya) et technique pure (nritta). Danseuse, chorégraphe et enseignante, Armelle Choquard a formé nombre de danseuses de la dernière génération de notre région. Dépassant les traités, elle a su créer un langage chorégraphique unique, accordant une grande place à la création.

Très populaire en Inde, la musique instrumentale accompagne chaque événement de la vie et les nombreuses fêtes, dont la légende dit qu’il n’y en a pas moins de neuf par semaine… Ainsi, un orchestre nagaswaram composé de Nabankur Bhattacharya (tablas), Madhubanti Sarkar (chant), Khan Nazar (sitar) et Indradeep Ghosh (violon) accompagnera le khatak interprété par Maïtryee Mahatma. Danse spirituelle destinée à honorer les Dieux dans les temples, le khatak s’est enrichi de l’influence des Moghols au XVIe siècle. Associant l’âme à la divinité, la danse est rythmée harmonieusement par une complicité rythmique avec les musiciens dans un intime accord. La rapidité d’exécution des frappés de pieds contraste avec la souplesse des mains et de la silhouette que le costume magnifie. Le chant révèle alors la signification du texte sacré ou poétique ; une ode illustrée par ces quelques vers de Mirza Ghalib, qui seront chantés et dansés à la Cité de la Musique (le 6/12) : « Ni pierre, ni brique … ce n’est qu’un cœur, pourquoi ne serait-il pas empli de douleurs ? Le cœur blessé, je pleurerai autant que je voudrai… pourquoi me demande-t-on de ne plus verser de larmes ? »

Cité de la Musique où se déroulera également le Mehfil de clôture (le 7/12) avec le soutien du Pôle des Musiques du Monde, étonnante rencontre entre des musiciens indiens renommés — Indradeep Ghosh au violon, Nabankur Bhattacharya aux tablas et des artistes français ambassadeurs de la musique indienne comme Henri Tournier au bansuri (flûte) et  Julien Di Maiolo au ghatam et tablas. Invité d’honneur à ce dernier concert, le percussionniste et compositeur Jean-Pierre Drouet, l’un des pères de la nouvelle musique improvisée en Europe, qui avait exposé les « machines musicales » dans les années 90 à la Cité de la Musique. Laissez les musiciens vous conduire au cœur de la musique classique indienne, improviser leur palette de couleurs sonores lorsque la nuit se fait intense. Lâchez prise, percevez les micro notes de la gamme auxquelles votre oreille occidentale n’est pas habituée ou les impressionnantes syllabes mnémoniques employées pour mémoriser les rythmes et frappes du tabla : DhaaDhinGaKaKat-Tum-NaaTiRaKiTa… Attachez vos ceintures, départ imminent pour un voyage onirique !

 

Sylvia Obrados

 

Festival Mehfil : jusqu’au 7/12 à Marseille.

Rens. : www.taaltarang.com

Le programme complet du festival Mehfil ici