Lors du festival La Vallée Électrique

Festival La Vallée Électrique

Drôme de rêve

 

La Vallée Électrique. Ce nom-là ne vous dit peut être rien. L’événement attire pourtant chaque année des danseur·se·s venu·e·s de l’étranger en pleine garrigue drômoise. Rencontre avec Melifera, le collectif organisateur basé à Marseille, à l’aube de la prochaine édition qui se tiendra les 16, 17 et 18 juin prochains.

 

 

 

Organisateur de festival, webzine, label, prestataire événementiel… Melifera est un objet festif protéiforme tourbillonnant sur la moitié sud de la vallée du Rhône, de Lyon à Marseille en passant par le pied du Mont Ventoux. C’est l’histoire de fêtes d’amis qui se sont professionnalisées petit à petit, jusqu’à devenir un véritable métier pour deux d’entre eux. Du haut de leur petite trentaine, Arthur Bohl et Corentin Mouveaux sont aujourd’hui les deux gouvernails qui gèrent la large gamme d’activités du projet Melifera, épaulés par Daisy de Montjoye pour la partie graphique. Si iels sont désormais basé·e·s à Marseille (ou dans sa périphérie), c’est en Drôme provençale que tout a commencé : « On était une quinzaine de potes à sortir en free party pendant l’adolescence avant de se dispatcher dans des villes différentes pour les études. C’est là qu’on a découvert les clubs et de nouveaux styles de musiques électroniques », raconte Arthur. En 2015, cette diaspora drômoise décide de monter une association pour organiser sur ses terres d’origine des soirées qui mêlent à la fois des propositions artistiques liées à leurs découvertes urbaines et la liberté de la free party.

 

Nature, humain, technologie



 

Deux ans plus tard, le collectif passe à l’étape supérieure en organisant un événement sur plusieurs jours : « On s’est rendu compte qu’on avait un terrain naturel fantastique pour y déployer de la musique, des installations, du VJing, des ateliers ludiques… Depuis la première édition, l’idée est chaque année toujours la même : créer une zone éphémère utopique dans laquelle on harmonise les humains, la nature et la technologie. » Depuis 2017, sous la canopée, en bordure d’un ruisseau caché au milieu des champs de lavande, une bulle spatio-temporelle prend forme une fois par an dans la garrigue drômoise : la Vallée Électrique. Pour lui donner vie, les originateur·ice·s ont pris l’habitude d’inviter d’autres collectifs à s’investir dans l’organisation. Un certain sens de la construction collective qui a permis « d’approfondir des univers musicaux, de rencontrer pas mal de gens, et surtout de s’inspirer », développe Arthur. Au fil des ans, la programmation musicale se concentre vers des narratifs hypnotiques et psychédéliques qui mêlent deep techno, breakbeat, IDM, trance et ambient. Des musiques électroniques caractérisées par leur travail sur les textures et leur puissance évocatrice d’organismes naturels. En 2019, l’équipe organisatrice de la Vallée s’entoure d’un nouveau partenaire, Victor Jousselme, pour la programmation d’une des deux scènes du festival : « Victor a invité des artistes étrangers puis publié des enregistrements de sets et des récits du festival sur des médias spécialisés deep techno ; c’est grâce à ça qu’un public international — qui forme 30 % à 40 % de la jauge aujourd’hui — a commencé à s’intéresser à la Vallée », retrace Arthur.

 

Développement organique et professionnalisation


 

Aux alentours de cette même période, plusieurs amis du groupe de base se sont mis à avoir de « vrais métiers » et moins de temps pour l’association. Arthur et Corentin décident alors de la restructurer, de changer l’identité graphique et de créer un label. Une plateforme musicale qui alimente la visibilité de Melifera en accueillant des projets excitants comme les compilations Women Everyday — qui rassemblent des productions composées exclusivement par des artistes féminines — ou les Whispers of the Valley, des morceaux composés à base de bruits naturels enregistrés par des festivaliers l’an dernier.

Après avoir organisé un gros événement à Lyon l’an dernier avec Feral et Luigi Tozzy — deux artistes internationaux emblématiques de la deep techno —, Melifera aborde Marseille dans une autre approche. « C’est une ville où cette esthétique est beaucoup moins représentée. Pour l’instant, on a juste mis un pied dans la piscine en commençant avec des petits événements dans des bars comme l’Ekonature ou la Mer Veilleuse, en jouant avec les frontières et les évolutions modernes de la deep techno — des choses plus trancy, ensoleillées. »

Aussi, depuis quelques étés, Arthur et Corentin sillonnent la France d’événement en événement (Château Perché, Nostromo, Ouroboros, le Petit Caisson…) avec le matériel scénographique et sonore qu’a accumulé et construit Melifera au fil des années : soundsystem, installation LED, pixel mapping… « À la base, on demandait nous-mêmes à des prestataires de venir sur la Vallée, puis on est petit à petit arrivé à s’autonomiser complètement, de l’organisation jusqu’à la partie technique, explique Corentin. Pour notre festival, on a ouvert l’équipe à des festivaliers réguliers devenus des amis. Cette année, on a par exemple confié la scénographie à Paul (Fresnel) parce qu’il vient depuis des années et sait comment réfléchir à des installations spécifiquement adaptées à la Vallée qui puissent générer des interactions sociales. » En collaboration avec l’équipe hollandaise Studio Method, la scène principale sera conçue selon le concept de la « ruine régénérative » en utilisant des éléments de la biodiversité comme des blocs structurels dans le but de connecter les humains avec les êtres vivants non-humains. « Il y a plein de gens qui reviennent d’année en année parce qu’ils se sont rencontrés à la Vallée, c’est une sorte de grande famille. Une carte blanche sera laissée à un fidèle de la Vallée : Natural Limit, qui gère le label Virtual Forest, pour la programmation d’une scène le dimanche. »En marge du plateau musical qui rassemble « newcomers » et artistes établis, locaux et internationaux, plusieurs ateliers seront proposés pour se connecter aux éléments naturels environnants : ballade sonore, cueillette sauvage… « Le but, c’est qu’une personne qui ne connaisse rien à la programmation puisse repartir avec quelque chose à l’intérieur, un souvenir, un écho qui va l’avoir marqué quelque part. Vivre une expérience hors du temps et du reste du monde, utopique. »

 

Paul Herincx

 

 

La Vallée Électrique : du 16 au 18/06 quelque part en Drôme Provençale.

Rens. : meliferarecords.com/la-vallee-electrique-festival/