Peintures de Peshawa Mahmood © Margot Dewavrin

Exposition Rituels à la Ruche K et festival Visions d’exil

Déraciné·es, des ailes

 

 

Les Visions d’exil représentées par le festival de l’association l’Atelier des Artistes en Exil continuent de se projeter à Marseille, Paris, Lyon et Toulouse. Au programme : expo à la Ruche K, projections, danse, performances, musique… Les évènements courent jusqu’au 24 novembre, tandis que l’organisation nationale est secouée par une polémique à charge contre sa direction.

 

 

 

Pour sa sixième édition nationale et sa deuxième saison à Marseille, le festival prend pour thème les Rituels qui donnent leur nom à l’exposition à voir jusqu’au 11 novembre à la Ruche K, rue Belle de Mai à Marseille. Outre l’occasion de (re)visiter cet espace associatif, d’atelier et d’exposition récemment fondé par la Galerie Kokanas, l’expo vaut le crochet. Elle a invité des artistes à « convoquer les rituels qui rythment dorénavant leur vie, inventent des cérémonies qui mêlent ironie, nécessité, colère et désillusion. » Dix artistes exposent, et leurs rituels prennent diverses formes : des vidéos, de « prière standard » avec Yadanar Win, ou d’Écocide par Oksana Chepelyk ; des peintures de Peshawa Mahmood — qui faisait d’ailleurs de ses portraits une performance au [mac] il y a quelques jours ; ou deux photos de Şener Yılmaz Aslan, qui traitent d’une routine trop bien connue des grandes villes avec un contre-lyrisme saisissant, superposant deux photos, Those Who Wait avec Those Who Go (en français : Ceux qui attendent et Ceux qui partent).

La scénographie est habitée, nous entourant de nombreuses visions, toutes incarnées. Les visages que montre Peshawa Mahmood forment un groupe comme de manifestant·es, qui nous font face. En s’y mêlant, c’est la puissance des peintures de Ko Latt qui, à leur tour, nous appellent. Avec To the Hell, des traits et des couleurs dignes de comics, ses compositions intègrent autant des bombes que des chiffres, que des émojis « vomi » pour traiter du coup d’État militaire du 1er février 2021 au Myanmar. À côté, plus que caustique, son Happy Death Day propose une cérémonie générique « à compléter », en l’honneur des victimes du régime militaire… De l’autre côté, Anna Abrashina et Vladimir Mazhuga installent Mon jardin n’a pas de racines, une structure de bois et métal en forme de paravent sur laquelle sont collés des dessins qui évoquent des plantes, mais en noir et blanc. Plus loin, la série de lévitations d’Andrés Montes Zuluaga fait écho aux peintures exorcisantes de Liza Diederich, peintre, tatoueuse, performeuse et art thérapeute… Et ce ne sont qu’une partie des pratiques et des points de vues, puisque d’autres restent à voir, écouter, expérimenter.

 

Dis, silence

Espace d’accueil, d’atelier, terrain d’insertion et de soutien administratif, l’Atelier des artistes en exil naît à Paris en 2017, et voit rapidement de nombreux membres gonfler ses rangs, jusqu’à l’ouverture d’une antenne marseillaise en 2021, qui ne cesse depuis d’accueillir de nouvelles personnes.

Néanmoins, le 11 octobre, une lettre ouverte signée par treize artistes membres de l’association et douze anonymes est publiée sur Instagram. Elle vise à dénoncer « le manque de transparence dans la gestion de notre atelier », une « oppression », ainsi que « le non-respect envers nos histoires, nos différentes fragilités et nos pratiques artistiques ». Augmentée, depuis, de plusieurs autres signatures et appuyée d’une lettre de soutien venant d’une trentaine d’ancien·nes membres de l’équipe — « salarié·es, stagiaires, services civiques et bénévoles » —, les signataires appellent à un « changement radical » dans la gestion de l’association. La direction nationale, dans son droit de réponse communiqué via les réseaux de l’association le 19 octobre, exprime sa surcharge pour l’expliquer : « À ce jour, nous comptons environ six cent artistes membres, et l’équipe fixe n’est constituée que d’une vingtaine de personnes. »

Aujourd’hui, la polémique est toujours d’actualité puisqu’à la rédaction, nous recevons le 6 novembre un communiqué signé de douze artistes soutenu·e·s par le co-fondateur de l’association, Ariel Cypel, qui réclament d’autres réponses de la part de la direction, ainsi que des « réformes urgentes », notamment afin d’impliquer les artistes dans la gestion de l’association. De leurs mots, pour « que l’Atelier des Artistes en Exil redevienne un lieu d’épanouissement artistique, de respect mutuel et de démocratie. »

 

MD

 

  • Exposition collective Rituels: jusqu’au 11/11 à la Ruche K (61 rue Belle de Mai, Marseille 3e).

  • Festival Visions d’exil : jusqu’au 24/11 à Marseille.

Rens. : festival.aa-e.org

Toute la programmation du festival Visions d’exil ici