Rachida Brahim © S Burlot

L’entretien | Rachida Brahim

« Face aux discriminations : comment garder la tête froide ? » Voilà le thème central du prochain « Procès du siècle », qui verra la participation de la sociologue et historienne Rachida Brahim et de la psychologue Malika Mansouri, sous la modération de la journaliste Rokhaya Diallo. L’occasion pour Rachida Brahim de revenir sur la « double violence » associée au racisme, thématique qu’elle explore dans un ouvrage issu de sa thèse de doctorat La race tue deux fois. Une histoire des crimes racistes en France (1970-2000).

 

 

Vous avez écrit un livre intitulé La race tue deux fois. Une histoire des crimes racistes en France (1970-2000), dans lequel vous exposez votre travail sur les crimes racistes en France. Qu’avez-vous voulu dire par « la race tue deux fois » ?

Quand on enquête sur les crimes à caractère raciste en France, on réalise qu’ils revêtent en fait une double violence. Cette double violence, je l’ai très vite aperçue, tant dans les témoignages recueillis auprès des victimes, qui la ressentent et l’identifient nettement, que dans les documents d’archives. La première violence réside dans l’acte d’agression lui-même, ciblant une personne sur la base de ses caractéristiques physiques. En effet, le simple fait d’être présent dans l’espace public avec des traits spécifiques, des traits stigmatisés, peut être perçus comme une menace et justifier l’attaque. La seconde violence survient post-agression, quand il s’agit de faire admettre le caractère raciste de l’acte. Dans la mesure où le mobile raciste n’existe pas en tant que tel en droit, ou depuis 2003 sous des conditions limitées, la majorité des procédures judiciaires se soldent par des classements sans suite, des condamnations légères ou des acquittements. Cette violence psychologique, en plus d’impacter la victime et ses proches, entraîne également ce qu’on appelle une victimisation collective, affectant aussi ceux qui se reconnaissent dans les traits de la victime.

 

Vous choisissez d’utiliser le terme de « race » plutôt que celui de « racisme ». Pourquoi ?

Parler de « race » en plus du « racisme » était, selon moi, essentiel, car si le racisme est un phénomène identifié et dont on parle dans nos sociétés, le concept de « race » reste lui, très incompris. Il était donc important de le réintroduire dans un cadre scientifique et sociologique, à l’écart de toute connotation biologique qui hiérarchiserait les êtres humains. En sociologie, la « race » est un concept comparable à celui de « genre » ou de « classe ». C’est une assignation catégorielle macrosociale, qui vient d’en haut, basée sur certains traits physiques ou culturels qui vont être publiquement dévalorisés. Cette dévaluation entraîne une hiérarchisation, elle entraîne le racisme, qui est en fait une conséquence du concept de race. Il était crucial de clarifier cette distinction pour comprendre les mécanismes sociaux qui perpétuent le racisme. Il ne peut y avoir de racisme sans race, sans l’idée de race qui est encore nourrie, de manière plus ou moins feutrée, pour produire des inégalités et maintenir une ligne de privilège.

 

Si on vous suit, aborder le racisme tout en négligeant le concept de race conduirait à considérer les personnes racistes comme des anomalies, des créatures monstrueuses étrangères à notre monde, détachées de toute réalité sociale ou historique qui pourrait expliquer leurs comportements.

Cela réduit surtout le problème à une dimension individuelle. On le ramène à une affaire interpersonnelle. Or, en abordant le racisme d’un point de vue systémique, on découvre qu’il existe une structure, un système favorisant et perpétuant les inégalités. Cela dépasse donc de loin la simple question de l’individu raciste et ignorant. Cet individu est, d’une certaine manière, également une victime. Tout le monde est pris dans un système qui produit des assaillants et des personnes qui vont subir l’assaut.

 

Au début de votre ouvrage, vous racontez comment vous avez sorti des caves et des sous-sols des associations anti-racistes un grand nombre de listes de victimes de crimes racistes. « On y trouve la date du crime, le nom de la victime, suivis d’une ou deux phrases laconiques », expliquez-vous. Face à ces données brutes, quelque peu désarmantes, et masquant une terrible réalité humaine, comment vous y êtes-vous prise pour y mettre du sens ?

 

Il s’agit d’une enquête difficile portant sur un thème sensible et encore prégnant dans nos sociétés, mais ça n’a pas été accablant. Au contraire, relever l’ossature du racisme structurel et systémique, mettre des mots sur l’oppression et apporter des preuves à la violence a été extrêmement libérateur. De cette façon, la violence n’est plus seulement subie, mais disséquée. Cela donne de la puissance aux vivants et de la dignité aux morts. Et puis cela appelle une résistance toujours plus forte, plus intelligente et plus audacieuse de la part de ceux qui expérimentent cette violence.

 

Vous avez des mots très inspirés à ce sujet. Vous expliquez que, de manière contre-intuitive peut-être, l’expérience douloureuse de cette violence représente également une chance. « L’expérience de ce racisme postcolonial, parfaitement agencé, extrêmement feutré, repousse sans cesse les limites de notre entendement. Faisant l’expérience de ce racisme, nous faisons l’expérience de l’oreille absolue. Nous cherchons à discerner, par-delà le temps et les silences, le type d’humanité dont nous sommes les témoins. Une fois que la chose est entendue, une fois que plus aucun doute ne subsiste quant à la manière dont le monde social nous réduit à des catégories évoluant dans des relations plus ou moins médiocres, nous accédons à ce que nous avons de plus grand et de plus subtil. Nous accédons à notre âme. […] Plus la parole de nos âmes sera disqualifiée, plus nous redoublerons d’intelligence pour que puisse survivre cette part de nous-mêmes que la colonisation nous a confisquée », écrivez-vous.

Cela s’applique à ceux qui sont impactés par les violences racistes, mais également à ceux qui sont conscients que ce modèle n’est pas durable, et en réalité à tout le monde. Car même si le racisme semble toucher uniquement certaines parties de la population avec telle couleur de peau ou telle religion, en réalité, c’est un projet délétère pour tous. Ce qu’on comprend à travers ce travail, c’est qu’une société c’est d’abord un système de classement au sein duquel les catégories de classe, de genre ou de race pour ne citer qu’elles, permettent de stratifier la population, de produire et de maintenir les inégalités. L’égalité, la démocratie reste une quête, un idéal qui est l’objet d’une lutte constante et, à une échelle plus individuelle, ce constat oblige à chercher de profondes ressources, à puiser dans son âme les moyens de transcender cette violence.

 

Vous avez eu accès aux listes établies par des associations de lutte contre le racisme ; sur quel autre matériau avez-vous pu vous appuyer pour élaborer votre enquête ?

J’ai mené des entretiens avec des personnes directement concernées par cette violence, ainsi qu’une observation participative auprès de groupes militants. Mes sources étaient également des archives d’associations, des articles de presse, des rapports de la police, des Renseignements Généraux, du ministère de l’Intérieur, et des archives parlementaires, totalisant près de quatre-vingts cartons d’archives. La principale difficulté rencontrée résidait dans le fait que le crime raciste existait pour les personnes concernées mais pas pour les institutions, ce qui a rendu nécessaire l’exploration de diverses sources et canaux d’information.

 

Vous faites débuter votre enquête en 1973 avec le tragique assassinat d’un conducteur de bus à Marseille, perpétré par un Algérien souffrant de troubles psychologiques, événement qui a déclenché une série de violences racistes ciblant les personnes nord-africaines à Marseille dans les jours qui ont suivi. Pouvez-vous revenir sur cette événement ? Comment a-t-il éveillé votre intérêt et influencé votre réflexion ?

Au début de mon travail, j’ai rencontré un certain nombre de personnes qui m’ont rapidement parlé des crimes racistes de 1973 restés impunis. Le mot « impuni » revenait constamment, posant une véritable énigme : comment des crimes peuvent-ils demeurer impunis dans un système démocratique doté d’un cadre législatif et judiciaire ? Cela semblait inconcevable, rendant le sujet suffisamment intriguant pour initier une enquête et une recherche approfondie.

Ces événements de 1973 à Marseille se sont déroulés dans un contexte géopolitique et diplomatique tendu entre la France et l’Algérie, et plus largement entre le Nord et le Sud, principalement autour de la question du pétrole et des ressources des anciennes colonies, dans le sillage de la guerre d’Algérie. Les accords d’Évian n’ont pas pu pas effacer les tensions de la guerre qui persistaient dans les esprits, les mémoires et les corps. Une partie de la population de Marseille est issue de cette histoire : des anciens de l’OAS, des harkis, des travailleurs algériens, autrement dit des gens qui étaient en guerre franche et ouverte dix ans plutôt. En 1973 donc, un incident impliquant un chauffeur de bus et un homme algérien tourne au drame. L’Algérien, psychiquement instable, tue le chauffeur et blesse d’autres passagers. Le lendemain, la presse s’empare de l’affaire et le journal Le Méridional publie un éditorial appelant littéralement à des expéditions punitives. L’appel est suivi des faits et abouti à six meurtres en cinq jours : des Algériens tués par balle, jetés dans le Vieux-Port ou victimes d’attentats à la bombe près de leurs domiciles. Cette vague de violence a duré quatre mois, causant dix-sept morts et une cinquantaine de blessés entre août et décembre 1973.

Mon enquête a débuté par cet épisode oublié de la mémoire collective. Mais il s’avère qu’en explorant les périodes avant et après cet événement, j’ai découvert une récurrence de ces actes, influencés par les tensions dans le contexte national ou international. Cette série de violences se prolonge jusqu’à aujourd’hui, même si le contexte est différent, comme un long feu qui brûle encore. Une récurrence qui m’a amené à percevoir ce qui s’apparentait à un système. Il y avait une structure dans ces violences. J’ai identifié cette structure dans le droit français lui-même, dans la façon dont le droit dit qui est normal et qui est a-normal.

 

C’est ce phénomène que vous identifiez dans le droit français comme une double opération de « racialisation-déracialisation »…

Effectivement, j’ai observé que certaines politiques françaises, les politiques publiques, notamment dans les domaines de l’immigration, des quartiers populaires et du logement, intègrent depuis les années 60, post-décolonisation, un ensemble de législations ciblant spécifiquement une population définie. Ce sont des lois particulières pour des individus jugés particuliers, et cette particularité repose sur leurs caractéristiques physiques et leurs origines. Ces lois s’appuient donc implicitement sur la notion de race. Le terme est dérangeant, il fait peur, mais pourtant nous sommes bien en présence d’une continuité du concept racial au-delà de la période de colonisation. Cette persistance est plus ou moins subtile, sans l’appui « scientifique » de l’époque coloniale, mais elle se prolonge bien dans les textes de loi français, même après l’ère des indépendances. Des personnes sont ainsi rendues particulières par des législations particulières, spécialement conçues pour elles. Ce qui est saisissant, c’est la découverte de ce qui se passe ensuite, quand ces mêmes personnes, socialement différenciées sur des critères raciaux, sont confrontées à des violences spécifiques, de type raciste, et qu’elles veulent le faire reconnaître : elles sont systématiquement renvoyées aux principes du droit républicain et universaliste. On leur explique que là, au contraire, il ne peut pas y avoir de droit particulier pour pénaliser le racisme meurtrier. Ainsi, une partie des politiques publiques (immigration, quartier populaire, logement) racialise les individus et une autre (la législation antiraciste elle-même) les « déracialise », les traitant comme des citoyens « normaux ». Nous sommes donc faces à des lois qui, d’un côté, instaurent la notion de race, et de l’autre, la nient.

 

Auriez-vous des exemples de ces lois particulières qui racialisent les individus ?

C’est clair dans les archives des années 70 par exemple. Dans ces années, mais c’est aussi le cas par-delà, les politiques publiques françaises visaient à limiter l’immigration, spécifiquement celle en provenance d’Afrique et, plus exactement, d’Algérie, qui était la plus nombreuse. Les hauts fonctionnaires prenaient leur stylo pour rédiger des textes législatifs en utilisant des arguments particulièrement stigmatisants : les immigrés algériens étaient décrits comme intrinsèquement « dangereux », « avec une propension au vol », selon les termes retrouvés dans les documents, en occultant par exemple les causes sociales, économiques et politiques qui pourraient conduire au vol — le vol était ainsi essentialisé. Ils mentionnaient également une surpopulation carcérale due aux Algériens, extrapolant et amplifiant certains faits et données, parfois jusqu’à la falsification, pour justifier la fermeture des frontières aux Algériens, décrits comme nuisibles et incapables de s’intégrer du fait de leur différence fondamentale. Les Africains étaient quant à eux dépeints comme « paresseux », « incapables de s’adapter au travail en France », « désireux de vivre dans des bidonvilles » pour économiser l’argent gagné. Par là, on rendait ces populations responsables de problèmes de logement en France, qui datent en réalité de la Seconde Guerre mondiale, et on justifiait la fermeture des frontières. Cette rhétorique de disqualification et cette manipulation des chiffres visaient à restreindre l’immigration, elle continuait à racialiser les personnes et à les exposer à une violence spécifique.

Ces mécanismes se maintiennent à travers le temps. Le concept de race a été totalement évincé du discours, comme s’il n’existait pas, pourtant, les politiques publiques actuelles continuent de marginaliser des individus selon des critères physiques et culturels, en les stigmatisant et en les désignant comme un danger interne contre lequel il faut se défendre.

 

Quelles sont les différentes législations françaises concernant le racisme ?

La première, en 1972, constitue la base de la législation antiraciste en France : la Loi Pleven. Cette loi n’émane pas des parlementaires français mais de l’ONU, qui exigeait des États membres de légiférer contre le racisme et de mettre à jour leur législation suite à la période coloniale, afin de démontrer leur engagement contre les discriminations raciales, expression utilisée telle quelle à l’époque. La France, initialement réticente, adopte finalement cette loi, notamment pour des raisons d’intérêts nationaux, comme l’obtention d’un siège à l’ONU. À cette période, la dernière loi française sur ce thème datait de 1871, ignorant ainsi toute la période coloniale. Cette loi Pleven omet néanmoins la recommandation de l’ONU de prendre en compte les violences physiques, invisibilisant ainsi les crimes racistes en France. Malgré les demandes d’explication de l’Algérie et de la Tunisie qui s’inquiètent de meurtres réguliers de Nord-Africains sur le territoire français, les ministères de l’Intérieur et des Affaires Étrangères français insistent sur l’absence de racisme en France. Selon ces derniers, ces affaires relèvent du droit commun : ce sont des rixes entres individus, des effets de l’alcool à la sortie des bars, des règlements de compte entre Nord-Africains. À partir de là on voit toute la chaîne administrative se mettre en mouvement, du policier local qui prend la plainte aux hauts fonctionnaires, commissaires, préfets et ministères, pour gommer tout ce qui peut faire penser à du racisme dans les affaires. C’est dans ces conditions que la loi Pleven passe, en occultant totalement la dimension des crimes racistes.

En 1985, une loi résultant de la marche pour l’égalité de 1983 permet la constitution de partie civile. Mais cette loi est extrêmement restreinte par rapport à qui était demandé par les marcheurs, à savoir l’amélioration de la loi de 1972 sur la question de la reconnaissance du mobile raciste.

La Loi Gayssot de 1990 est intéressante. Elle illustre parfaitement comment la question des crimes racistes est de nouveau mise de côté, bien qu’elle ait été initialement prévue précisément pour traiter ce sujet. Dans ce cas, la question des crimes racistes est détournée au profit de la lutte contre le négationnisme.

En 2003, sous la pression européenne, la France envisage à nouveau de faire du mobile raciste une circonstance aggravante. Encore une fois, il ne s’agit pas d’une initiative interne, mais d’une réponse à une demande de l’Europe. La loi de 2003, portée par un député UMP, va reconnaître le mobile raciste mais avec deux écueils. Tout d’abord, l’intégration du mobile raciste dans la loi est motivée par une augmentation des actes antisémites, et le discours entourant cette loi impute cette hausse aux jeunes d’origine maghrébine. Dès lors, cette loi antiraciste tend elle-même à stigmatiser une partie de la population. Ce discours se propage sans s’appuyer sur les données scientifiques qui indiquent pourtant que la majorité des actes antisémites, xénophobes ou racistes émanent principalement de l’extrême droite. Par ailleurs, cette loi est très limitée, exigeant des preuves écrites ou verbales pour prouver le mobile raciste, restreignant ainsi les possibilités d’action pénale. Aujourd’hui, on en est là : bien que le mobile raciste soit reconnu, il reste soumis à des conditions très restrictives.

 

Votre recherche documente l’histoire de la douleur mais révèle également, en arrière-plan, un récit de la résistance. Vous mettez en lumière divers mouvements de contestation qui ont jalonné la France depuis les années 70, tels que le Mouvement des travailleurs arabes initié en 1972, les marcheurs de 1983, le Mouvement de l’immigration et des banlieues lancé en 1995, ou encore les comités Vérité et Justice. Est-ce là une façon de rendre hommage aux morts, tel que vous l’avez écrit d’entrée de jeu au début de votre ouvrage, par la courte phrase « À nos défunts » ?

En effet. À nos défunts. L’histoire des crimes racistes en France, c’est comme prendre le thé dans un salon où il y a du sang sur les murs ou des morts sous le tapis. Dans mon travail, il y a quelque chose d’une cérémonie funéraire, tant pour moi que pour ceux qui accueillent ce travail. Cela revient à faire le deuil en inhumant les défunts là où ils doivent reposer, en leur rendant ainsi hommage, en les reconnaissant, en admettant les circonstances de leur décès. Et le dire, l’énoncer, c’est apaiser à la fois les morts et les vivants. Cela contribue à faire baisser la colère, la tension, le feu, à le canaliser, à en faire un feu qui éclaire et non en un feu qui brûle, des voitures entre autres, soi-même la plupart du temps.

 

On oppose souvent deux générations d’immigrés : ceux qui ont courbé l’échine et se sont tenus sages par le passé, ceux qui se rebellent et qui s’enflamment aujourd’hui. En lisant votre travail, on constate que cette opposition n’est pas tout à fait juste. L’avez-vous conçu également comme un travail de mémoire des luttes ?

L’objectif était en effet de révéler une longue histoire de lutte qui remonte à l’époque coloniale et aux premières formes de résistance à la colonisation. Il me semblait crucial de retracer cette continuité, de la rendre visible, même si le livre ne se concentre pas uniquement sur cela. Il existe un récit de la vie qui se perpétue malgré les multiples formes d’oppression. Souligner et nommer, cela était essentiel, car cela apporte un soutien quotidien à ceux qui subissent encore les effets de ce système et de ses dispositifs.

 

Disqualification de la parole, injustice, brutalités, invisibilisation, déni de justice… autant de violences qui peuvent mener à une réelle détresse psychologique. Est-il possible que l’exposition constante à de telles expériences négatives puisse altérer l’état psychologique d’une personne au point d’engendrer des réelles pathologies mentales ?

Ce premier travail sur les crimes racistes m’a en effet conduite à cette question : la relation entre le racisme et la santé mentale. En fait, il s’agit de la seconde forme de violence évoquée dans mon livre. Si la première forme de violence est tangible et largement traitée dans mon enquête, la seconde, relative aux répercussions psychiques du racisme vécu de façon transgénérationnelle, demeure une question ouverte pour moi. Pour approfondir cette question, j’ai complété ma formation en histoire et en sociologie par un cursus en psychanalyse, cherchant d’autres moyens de saisir ce qui se joue à un niveau plus intime. Les études épidémiologiques européennes menée depuis les années 2000 montrent une prévalence accrue de la schizophrénie chez les descendants de migrants jusqu’à la troisième génération. Cela m’a particulièrement interpellée. Le racisme, c’est-à-dire un trauma colonial et racial qui n’est pas nommé, pourrait expliquer cette prévalence.

 

Propos recueillis par Gaëlle Desnos

 

« Procès du Siècle – Face aux discriminations : comment garder la tête froide ? », avec Rachida Brahim et de Malika Mansouri : le 12/02 au Mucem (2e).

Rens. : www.mucem.org

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