Enter the Void - (France - 2h30) de Gaspar Noé avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta…

Enter the Void – (France – 2h30) de Gaspar Noé avec Nathaniel Brown, Paz de la Huerta…

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Came(lote)

Une bande-annonce sublime, plusieurs années d’expectative depuis Irréversible, un créateur en marge maîtrisant l’outil cinématographique comme peu savent le faire en France… L’arrivée du nouveau Gaspard Noé avait clairement de quoi faire saliver. Et la déception est nettement à la hauteur de l’attente. Noé semble avoir totalement oublié qu’une réalisation, aussi virtuose soit-elle, ne peut à elle seule combler les lacunes d’un scénario inexistant. Alors oui, les images proposées, d’une qualité hors norme, frisent la performance. Elles étourdissent littéralement le spectateur qui subit un shoot monumental pendant presque trois heures sans se lever de son siège. Noé possède indéniablement une intelligence optique ahurissante que beaucoup d’autres cinéastes doivent lui envier. Ajoutons à ces prouesses graphiques une réappropriation physique et désenchantée du psychédélisme, repensé et refroidi à hautes doses. Via la technologie digitale, on entre en effet dans une inédite dimension électronique, fascinante, profondément glaciale et lugubre. A l’instar de la société actuelle, du Tokyo où l’action se déroule, de la musique machinale, de l’individu autocentré et loin de tout, Enter The Void se transforme en apologie de la déshumanisation où plus personne ne rêve. Le cul sans passion, les trips impersonnels, la désincarnation. Voilà le constat établit par Noé. Et même si le fait qu’une large partie de la planète fonctionne sur ce modèle lui donne raison, il aurait pu nous éviter bon nombre de scènes racoleuses, de clichés vides de sens. Il aurait pu se limiter dans l’étalage de ce sordide complaisant et gratuit et mettre de côté son romantisme polluant à la noirceur potache. Il aurait dû rassembler ses idées en une heure vingt, écrire de vrais dialogues, assimiler que l’amoralité pour l’amoralité vaut une discussion de comptoir et ainsi nous éviter au final cette interminable déconvenue qu’est son dernier long métrage.

Lionel Vicari