En ce lieu ou presque… dans divers lieux du département

En ce lieu ou presque… dans divers lieux du département

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Je ne peux plus la voir en peinture…

L’art sort des white cubes et se plante au milieu des vignes, au pied de la Sainte Victoire, où l’association Voyons Voir incite les artistes à se confronter à la démesure de l’extérieur. L’exposition En ce lieu ou presque, qui se décline en trois lieux, est une belle invitation à renouer avec notre territoire, notre patrimoine et l’art…

« De tout temps, les œuvres d’art ont été disposées avec soin. Pour la conscience esthétique traditionnelle, l’œuvre, dans son idéalité ontologique, pur objet de délectation, s’impose au regard, qui la contemple dans la plénitude d’une clôture sur soi. » (Nicolas Poussin)
On sait les interactions entre l’œuvre et son lieu de monstration, évidentes depuis le début de l’histoire de l’art. Et si dans les années 70, pour d’autres raisons, l’art sort des sentiers battus pour s’installer dans la nature, il en résulte forcément une confrontation entre « la pièce » et l’immensité de son contexte in situ. Une confrontation esthétique, mais surtout d’échelle, si l’œuvre doit rivaliser avec le paysage et sa démesure. En l’occurrence, cette interdépendance peut offrir à l’artiste un nouveau et vaste champ d’investigation… Ce que confirme cette exposition en trois volets. Si l’exposition est une invitation à la promenade et par conséquent une mise en état de réception vis-à-vis des œuvres, qui se vit comme une expérience personnelle particulière pour le regardeur, il s’agit pour la plupart des artistes de se confronter à la 3D et à l’espace non circonscrit par les cimaises mais par les éléments du paysage et l’espace.
Ainsi, à Saint Ser, ,Rémy Rivoire recrée le cadre en pointillant le paysage de miroirs qui guident notre regard, et propose une ligne des points de vue. Dans un geste minimal, Stéphane Le Mercier joue avec les représentations, les images mentales que lui inspire le lieu, et le met en mots sur ce qui pourrait être utilisé par les visiteurs comme des bâtons de pèlerins. Toujours à Saint Ser, Didier Petit s’intéresse à l’immersion du corps dans l’espace du domaine, en transposant notre ressenti, dans une coupe transversale d’un bassin féminin dentelé. Quant à Yazid Oulab, il dessine dans l’air la cime d’un paysage urbain sur lequel se fixent des stylites. L’œuvre joue avec les éléments : le vent fait vibrer un rideau de fins fils de fer qui tintinnabulent timidement.
Au domaine de Grandboise, Stéphanie Lagarde ramène de son ascension du « Mont Olympe provençal » un moulage qui deviendra sculpture, tandis que Véronique Rizzo extirpe de la peinture abstraite géométrique moderne une forme qui, elle aussi, quitte le plan et passe dans le volume pour y revenir autrement, dans une photographie. Laurence De Leersnyder emprunte au paysage les lignes des crêtes qui se dessinent en creux dans des moulages de ciment. Jérémie Setton investit le cœur du domaine puisqu’il intervient dans une cuve à vin, dans laquelle il confond le regard entre 3D et plan en formalisant le diagramme de ce qui serait la courbe d’ensoleillement du domaine, mais inversée. Réalisée à partir de ce qu’il appelle des prélèvements de couleurs sur le site, son installation joue sur les principes optiques inhérents à notre perception de la relativité de la couleur. Quant à Pascal Navarro, il nous offre sa première sculpture : un grand lit traverse « la mare miraculeuse » du domaine, une image enlevée à une planche de Little Nemo, autrement dit à l’irréalité des représentations, pour s’immiscer au milieu des grenouilles, des roseaux, des libellules, à ce que lui offre la nature…

Texte : Céline Ghislery
Photo : Véronique Rizzo

En ce lieu ou presque… : jusqu’au 2/10 au Domaine de Saint Ser (route Cézanne – D 17, Puyloubier), Château Grandboise (1536 Chemin de Grisole, Trets) et Jardin des Cinq Sens et des Formes Premières (220 Chemin de repentance à la forêt, Saint Marc Jaumegarde). Vernissages le 17 à Grandboise et le 24 au Jardin des Cinq Sens. Rens. www.voyonsvoir.org