Tommy Milliot © Alain Fonteray

Médée Reflets au TNM La Criée

Seconde version

 

Le 9 juin prochain, une soixantaine de jeunes Marseillais issus de classes de seconde des lycées Antonin Artaud (13e arrondissement) et Périer (8e arrondissement) s’empareront du plateau de la Criée pour nous proposer leur version de Médée, grand texte classique de Sénèque. Un dispositif conjointement imaginé  par la délégation académique à l’éducation artistique et à l’action culturelle, l’équipe du Théâtre National et le metteur en scène Tommy Milliot, avec qui nous nous sommes entretenus.

 

 

C’est lors d’une représentation scolaire, le 30 septembre 2021, que les élèves ont pu découvrir la création de Médée par la compagnie Man Haast, dirigée par le metteur en scène franco-belge. Pour la plupart de ces jeunes, il s’agissait de leur première venue au théâtre, et l’occasion de découvrir une pièce antique assez peu portée sur scène. Dans la salle, on sentait l’émotion palpable des futurs participants au projet Reflets, à qui l’on venait de proposer le challenge suivant : livrer leur propre version de Médée, sur le plateau de cette même grande salle, dans un délai de huit mois. À quelques semaines de la restitution de ces travaux, nous avons rencontré Tommy Milliot, dont l’équipe artistique a pu jauger des avancées des artistes en herbe au fil des mois.

Entre Marseille et sa compagnie Man Haast, c’est une histoire qui commence en 2016, lors du festival Actoral. Le jeune metteur en scène décide alors de se consacrer à l’exploration des dramaturgies contemporaines, mais de ne pas s’y limiter. C’est le goût de l’expérimentation et de l’inconnu qui le pousse vers la Médée de Sénèque. Moins connue que celle d’Euripide, dont se sont inspirés les classiques français, cette version en latin serait plus proche du bruit et de la fureur d’un Shakespeare. C’est la musicalité de la langue ainsi que le travail autour de la traduction dynamique de Florence Dupont que Tommy Milliot a choisi de faire partager aux jeunes Marseillais.

« Je pense que le théâtre antique est la fondation de notre civilisation, explique le metteur en scène. On y retrouve le rapport au pouvoir, à la famille, entre les femmes et les hommes. Pour moi, Médée est une pièce politique dont  les thèmes sont transgénérationnels. Les lycéens ont tout de suite adhéré au projet et se sont emparés de la langue de Sénèque et des motifs de la pièce. »

Pour mener à bien ce projet, les proches collaborateurs de la compagnie, la dramaturge Sarah Cillaire et l’assistant à la mise en scène Mathieu Heydon, se sont mis à disposition des lycéens lors de rencontres mensuelles, encadrées par les enseignantes et le personnel des relations publiques du théâtre. Le staff technique de la Criée s’est également joint aux séances de travail, ce qui a permis aux élèves d’esquisser les bases de leurs propositions dramaturgiques et scénographiques.

« Je travaille toujours en étroite collaboration avec Mathieu et Sarah et nous avons fait pareil sur Reflets, ajoute Tommy Milliot. Les élèves, par exemple, ont découvert le rôle du dramaturge, qui permet de garder la cohérence du spectacle. Sarah les faisait s’interroger en permanence sur le choix de leurs propositions scéniques : pourquoi mon personnage fait telle ou telle action, est-ce que la mise en scène ou la chorégraphie est lisible pour le spectateur ? Mathieu, assurait plutôt la cohérence de l’aspect logistique, comme pour un spectacle professionnel.  Il s’agissait de montrer aux élèves que le théâtre est un travail collectif avec une équipe multiple. Leurs propositions étaient foisonnantes ; il a fallu se confronter à des choix en tenant compte des contraintes techniques et dramaturgiques. Les élèves se sont divisés en équipes, chacun assurant un poste de travail précis : régie, dramaturgie, mise en scène, chorégraphie ou relation avec le public afin d’être efficaces. »

Pour celui qui a découvert le théâtre au lycée dans le Nord de la France, il y avait également un enjeu pédagogique de taille.

 

« Je suis issu d’une famille de classe moyenne où on n’allait pas beaucoup au théâtre ; la découverte de la scène lors de sorties scolaires a été essentielle et je remercie les professeurs qui m’ont transmis leur passion, comme le font les enseignantes engagées sur Médée Reflets. Lorsque Macha Makeïeff m’a proposé ce projet, j’ai accepté à condition que l’accompagnement se fasse sur un temps long. Il ne s’agissait d’imposer quoi que ce soit aux élèves ou de dénaturer leur travail mais de les aider à se révéler, de les accompagner vers l’imaginaire. »

La délégation académique à l’éducation artistique et à l’action culturelle et le service des relations au public du théâtre ont donc œuvré, de concert avec les enseignantes,  autour d’un véritable parcours d’éducation artistique. Accompagnés d’une classe dite spectatrice, les élèves des lycées Antonin Artaud et Périer sont allés voir deux spectacles sélectionnés dans la programmation 2021/22 de la Criée en plus de Médée. Une sortie a également eu lieu à Arles, accompagné des élèves latinistes, avec pour thème le théâtre romain.

Rendez-vous le 9 juin prochain pour la révélation de ces neuf mois de travail acharné. Une présentation qui s’annonce dynamique, moderne et pleine d’émotion.

 

IR

 

Médée Reflets : le 9/06 au TNM La Criée (30 quai de Rive-Neuve, 7e).

Rens. : www.theatre-lacriee.com / www.manhaast.com