Selmi à la scie musicale © Olivier Puech

Retour sur Élec’Satie. Rudes saloperies et œuvres marginales au Non-Lieu

Satie dans tous les coins

 

Sur la scène oblique du Non-Lieu, Ludovic Selmi, pianiste virtuose poids mi-lourds, et Nini Dogskin, chanteuse enragée poids mouche, ont présenté un Satie comme il en aurait rêvé, délesté de tout académisme et de l’emmerdrerie qui caractérise bien des relectures du prophète d’Arcueil.

 

Dans l’esprit des batailles homériques du Cabaret Voltaire, enfourchant le destrier de l’humour et du corrosif, les deux compères nous ont délivré une version toute pimpante, irrésistible de drôlerie, d’un Satie punk acharné à « tuer l’art », but ultime du Dadaïsme.

Moment de magie et de suspension temporelle où Selmi quitte un instant ses claviers pour le morceau de bravoure du spectacle : la Gymnopédie à la scie musicale, pendant que Dogskin, cette fois au piano, délire les gesticulations manuelles de Ray Charles. Tel est le Satie frondeur, satirique et ésotérique illustrant l’aspect probablement le moins connu de cette œuvre entre burlesque bohème et réclusion monastique. Ce sont les chansons de Satie, l’âme montmartroise du buveur d’absinthe, le rêve mélancolique de son insaisissable amour, sa vision blasphématoire des académies musicales qui défilent sous nos yeux, titillent nos oreilles.

Salubre et éminemment nécessaire est ce vent de folie qui nous a emportés face à la scène du Non-Lieu, où décidément se plaisent les fantômes d’un passé futur. Le cadre idéal de ce petit cabaret pratiquement expérimental sert d’écrin à un éclairage subtil signé Laurie Fouvet et aux irrésistibles costumes créés par Flo Caron (on pourrait croire qu’ils ont été choisis par Suzanne Valadon), sans oublier les quatorzes parapluies du maître.

Dépoussiérer un répertoire aussi connu qu’ignoré dans son vaste ensemble — sorti des Gymnopédies, d’une seule surtout, qu’en connaît-on ? — est une œuvre de salut public : Il n’est jamais trop tard pour mal faire, comme l’aurait dit Satie lui même.

 

Olivier Puech

 

Élec’Satie. Rudes saloperies et œuvres marginales était présenté le 17 mars au Non-Lieu.