Edouard Levé au [mac]

Levé, les yeux au ciel

 

La très belle rétrospective consacrée à Edouard Levé au [mac] dans le cadre d’Actoral offre une occasion rare de (re)découvrir le travail d’un artiste qui excellait à la fois dans la photographie, la performance, et la littérature.

 

Comme s’il archivait un ensemble de comportements humains, les mises en scène d’Edouard Levé sont des morceaux de vie, mais qui semblent figées pour l’éternité. Entre la vie et la mort, l’ambivalence du mouvement et les corps fixes de ses photos évoquent à la fois des bas-reliefs ou la statuaire en pierre classique, et des danseurs contemporains pétrifiés dans leurs gestes. On hésite entre solennel et ridicule.
Bizarrement, si les thèmes abordés sont proches de questionnements personnels et intimes, l’artiste prive ses images d’affect, de narration. C’est dans les titres et donc dans les mots que l’humour, cynique, noir, s’installe et nous relie à l’humain. Les « moments » représentés sont dégagés d’un contexte et des repères qui accompagnent habituellement ce genre d’image, devenant incongrus. Ainsi, dans la série Rugby, « les joueurs », en costume cravate, évoquent une chorégraphie sportive, tandis que la série Pornographie montre des hommes et des femmes mimer des positions sexuelles comme la fellation.
Au-delà de la très grande beauté des photographies, dont certaines sombrent dans des noirs profonds et denses, on s’interroge sur ces extraits de scènes quotidiennes, qui nous ramènent à nous-mêmes…
Dénuées de sens, d’émotion et de vie, les vidéos de Valérie Mréjen et Véronique Aubouy sont quant à elles de purs moments de réjouissance. Sur un ton monocorde, Edouard Levé y raconte inlassablement ses vacances. Rien ne se dit au-delà du factuel chiant à mourir, rien ne se ressent. Les mots n’ont plus de poids, plus de valeur, on les prononce sans les incarner. Un beau pied de nez à nos automatismes et comportements stéréotypés.

Céline Ghisleri

 

Edouard Levé : jusqu’au 20/01/2013 au [mac] – Musée d’art contemporain de Marseille (69 avenue d’Haïfa, 8e).
Rens. 04 91 25 01 07