Edito n° 165

Edito n° 165

La coïncidence est troublante. A tel point que le premier ministre lui-même, d’ordinaire peu en phase avec la société, n’a pas manqué de le (faire) remarquer. En exhortant les Français — avec force tirades larmoyantes sur la famille — à soutenir les Bleus avant leur match décisif de vendredi contre le Togo, le chef… (lire la suite)

Des bleus à l’âme

La coïncidence est troublante. A tel point que le premier ministre lui-même, d’ordinaire peu en phase avec la société, n’a pas manqué de le (faire) remarquer. En exhortant les Français — avec force tirades larmoyantes sur la famille — à soutenir les Bleus avant leur match décisif de vendredi contre le Togo, le chef du gouvernement n’a-t-il pas en fait prêché pour sa propre paroisse ? Comment, en effet, ne pas observer le saisissant parallèle entre la France, son pouvoir et son équipe de football ?
A ma gauche, les Bleus ou le crépuscule des Dieux du football. Les héros sont fatigués et au sein même de « l’équipe », la bataille fait rage : le sélectionneur et le capitaine se détestent cordialement, les joueurs n’arrivent plus à cohabiter, les petits nouveaux essaient de se trouver une place tout en se demandant ce qu’ils sont venus faire dans cette galère. A ma droite, la France ou le déclin de l’empire chiraquien. Les zéros sont fatigués, et au sein même du « gouvernement », c’est la chienlit : Matignon et la place Beauvau se mènent une guerre sans merci, les politiques de tous bords se renvoient la balle, les candidats potentiels essaient de se faire une place en marchant sur les plates-bandes de l’extrême-droite. Dans tous les cas, un constat : la France va mal, très mal. Le moral est en berne, à l’instar de ces drapeaux bleu-blanc-rouge qui ne flottent pas plus dans les rues françaises que dans les stades allemands. La nation n’arrive plus à avancer, les jambes lourdes et une trop grosse pression sur les épaules.
Dans tous les cas, une préoccupation : Zidane suspendu pour le prochain match et Chirac définitivement hors-jeu, qui pour remplacer le capitaine ? D’où la question : au lieu de se demander qui de Franck Ribery ou Vikash Dhorasoo ferait un meilleur meneur de jeu, ne devrait-on pas tenter un autre schéma tactique, plus offensif ? De même, plutôt que de chercher à savoir qui de Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy enfilera avec le plus d’aisance les crampons décidément très confortables du Général (généreusement agrandis par l’actuel chef de l’Etat), ne serait-il pas judicieux de se pencher sur de nouvelles institutions, plus démocratiques ?
Le troisième (et peut-être dernier) match de la France en Coupe du Monde apparaît comme l’ultime chance d’aller de l’avant et de vérifier — à défaut de la solidité — la solidarité d’une équipe frappée d’immobilisme : un dernier baroud d’honneur, histoire que la carrière de Zidane ne s’achève pas de la même façon (pathétique) que le règne de Chirac. Les prochaines Présidentielles pourraient quant à elles représenter l’occasion de débattre enfin sur un changement de Constitution (bien plus nécessaire que ce que l’on veut nous faire croire) : une opportunité inespérée de croire encore en la classe politique française. Dans tous les cas, c’est mal barré…

Texte : CC
Photo : Karim Grandi-Baupain