Force désordres

Force désordres

Entre 47.1 et 49.3, l’Assemblée nationale et son mode de production des lois n’avaient plus attiré une telle attention depuis longtemps. Cœur du réacteur de notre arsenal de droits, son travail a été scruté de près, le suspense de la motion de censure nous a tenus en haleine et son rejet laissé un goût amer. Les braises encore chaudes, les députés adoptaient quarante-huit heures plus tard un autre article 7, intitulé sobrement « expérimentation de l’usage de traitements algorithmiques couplés à des dispositifs de vidéoprotection et de captation d’images par voie aéroportée », actant l’entrée formelle de la vidéosurveillance algorithmique (VSA) dans le droit français. Les J.O. de 2024 feront ainsi entrer la France dans le club très fermé et pas très envié des pays légalisant la surveillance biométrique. Les caméras déployées pendant l’événement nous observeront de l’œil de l’intelligence artificielle, scrutant des « événements prédéterminés ». Sans attendre un débat européen prévu sur l’opportunité de tels dispositifs liberticides, la France anticipe les desiderata de sa frange de technoflics. Notre police s’enorgueillit de la sinistre BRAV-M, elle pourra désormais se vanter de l’avènement de la fumeuse VSA et répandre la technologie aux plus offrants. D’une main, la brutalité des armes de guerre et des mutilations des manifestants, de l’autre, la surveillance généralisée des faits et gestes quotidiens, pour des condamnations sur commande. Des mégabassines de Sainte-Soline aux rues de la capitale, le pouvoir ne tient que par la force, de moins en moins légitime. Il suffira bientôt au ministre de l’Intérieur de cliquer sur « écoterroriste » pour voir apparaître ses fichés S préférés et leur envoyer la troupe. Surveiller et punir, ou punir et surveiller, entre les deux mon cœur balance.

 

Victor Léo