Footage de gueule

Footage de gueule

La rédaction a tranché : même si elle compte dans ses rangs des amateurs de ballon rond, elle ne se mettra pas Doha dans l’œil. Mais pas question pour autant de jeter l’opprobre à celles et ceux qui, en attendant de revoir sur le terrain leur enthousiasmant et un peu malchanceux Olympique, visionneront (en cachette) quelques morceaux de cet aberrant Mondial hivernal.

On peut en revanche légitimement s’insurger contre l’hypocrisie crasse dont ont fait preuve et le président de la République, et celui de la FIFA.

À Bangkok, le premier a en effet évacué sans autre forme de procès toutes les graves critiques qui pèsent sur la Coupe du monde qatarie (conditions d’attribution douteuses, morts par milliers sur les chantiers, non respect des droits humains, bilan environnemental catastrophique…), en assénant avec son autosatisfaction habituelle qu’il ne fallait pas « politiser le sport. »

Une monumentale bêtise : l’histoire du sport est truffée d’exemples prouvant qu’il est éminemment politique, du poing levé des athlètes afro-américains Tommie Smith et John Carlos aux J.O. de 1968 au genou à terre des basketteurs et footballeurs américains ces dernières années, en passant par les prises de position politiques sans équivoque de Mohamed Ali ou Diego Maradona, voire les célébrations de la « France black-blanc-beur » en 1998. Jusqu’à ce Mondial 2022, qui a (déjà) vu les Iraniens refuser de chanter l’hymne national pour soutenir la révolution dans leur pays, tandis que leurs adversaires du soir, les Anglais, arboraient un brassard noir disant non aux discriminations (faute de brassard arc-en-ciel, que la FIFA leur a strictement interdit de porter sous peine de lourdes sanctions sportives).

Un contre-sens, donc, doublé d’une tartufferie sans nom, puisqu’Emmanuel Macron n’a lui-même cessé, depuis son premier mandat, de mêler politique et sport, particulièrement le foot pour lequel il ne cache pas sa passion.

Quant à Gianni Infantino, président de la plus haute instance (politique) du football, il cumule depuis quelques semaines les déclarations enflammées envers le petit pays du Golfe, regrettant « qu’on ne puisse pas se focaliser sur le football » et pourfendant dans un même mouvement le « racisme » dont feraient preuve ses détracteurs… sans compter sa diatribe contre la politique migratoire meurtrière de l’Europe, là où le Qatar aurait ouvert grand ses portes aux travailleurs venus d’Asie du Sud.

Des déclarations vides de sens et des arguments fallacieux ne feront pas de ce Mondial, n’en déplaise à monsieur Infantino, « la plus belle Coupe du monde de l’histoire. » Mais l’une des plus politiques, assurément.

CC