Edito 255

Edito 255

La vue d’un képi instille parfois un doute. J’ai perdu mon gilet jaune, je pédale sur les trottoirs, je traverse pas dans les clous ? Ce sentiment inconfortable d’insécurité, sans savoir pourquoi, se réveille devant un logo « POLICE » sur une voiture ou un plastron. Les récentes révélations des nombres des gardes à vue en France dessinent une explication : près de 800 000 comptabilisées l’année dernière. Peu de bandits de grand chemin, beaucoup de simples citoyens. Rien que 200 000 pour les délits routiers, chiffre que le ministère de l’intérieur a essayé de dissimuler dans ses statistiques dévoilées en janvier. Il ne comptabilisait alors « que » 600 000 gardes à vue, déjà deux fois plus qu’en 2001. Un journaliste de France Info, conforté par le très officiel contrôleur des lieux de privation de liberté, a contraint les autorités à confirmer. Les faits sont là. Pour un oui ou surtout pour un non, on se retrouve vite fait embarqué de force, fouillé à nu, privé de ceinture et de lacets, puis interrogé. Un juge est prévenu, qui délivre généralement blanc-seing aux pandores pour vous garder 24 heures au chaud, 48 si vous n’êtes pas conciliant. Pendant ce long temps, si vous suivez assidûment NYPD Blue ou The Wire, vous savez que vous ne direz rien sans la présence de votre avocat. Que nenni ! En France, à la différence de la fière Amérique, l’avocat ne se rend dans les locaux de police que pour s’entretenir avec vous durant trente minutes maximum, sans savoir ce qu’on vous reproche. Alors ne comptez pas sur la sagacité de votre défenseur pour vous sortir de là. Les officiants vous le diront : avouez, c’est la seule issue. Signe de la politique du chiffre et de la répression, la privation de liberté policière est une mauvaise habitude qu’il faut perdre. La Cour européenne des droits de l’homme s’est heureusement érigée en recours. Dans plusieurs décisions, elle exige de tous les systèmes pénaux que l’avocat soit présent à tout moment et puisse effectivement défendre une personne gardée à vue. En s’appuyant sur elle, des tribunaux français commencent à annuler ces procédures. Otez-moi de ce doute, la police est partout, mais la justice n’est plus nulle part ?

Victor Léo