Echap#1 : à la Friche la Belle de Mai

Echap#1 : à la Friche la Belle de Mai

Attention : fragile !

A ciel ouvert, Sextant et Plus présente trois installations échappées de la collection du FRAC, confrontant le travail éminemment politique de Sophie Ristelhueber à l’œuvre résolument poétique de Michel Blazy.

expo-Echap1-Sophie-Ristelhu.jpgLa Friche semble le lieu « idéal » pour présenter trois œuvres que tout oppose a priori. Dans un espace restreint, Ristelhueber met en scène cinq tentes de réfugiés sur lesquelles sont inscrites des phrases extraites de résolutions onusiennes. Invité à déambuler d’une tente à l’autre sans jamais voir ce qui se passe à l’intérieur, le spectateur erre, impuissant, au milieu de la précarité, face à l’histoire, face aux traces, à ces fragments de réel que l’artiste a ramenés de pays en guerre. Le temps s’est arrêté, le spectateur se fait fantôme et tente de réanimer en vain un territoire laissé à l’abandon.
Les deux œuvres — moins dérangeantes — de Michel Blazy appellent davantage un regard poétique, léger. Plinthes et Spirale sont composées de lentilles et de coton, matériaux fragiles et périssables. L’artiste s’inscrit dans la droite lignée de la pensée de Vinci « Pittura è cosa mentale », principe qui sera repris dans les années 70 par les artistes de l’Art conceptuel et selon lequel l’idée prime sur la réalisation finale. A ce titre, après avoir expérimenté ses pièces en atelier et filmé leur évolution, Blazy vend ses recettes de fabrication aux différents acteurs du marché de l’art qui à leur tour réactualisent le concept initial dans une nouvelle mise en scène. L’œuvre appartient ensuite au temps, au hasard, se transformant en fonction des aléas de la matière et interrogeant les états de germination, de croissance et de décomposition comme métaphore d’une certaine condition humaine. Ici, la distance entre les deux artistes se fait plus mince. Rapprochons les davantage avec cette phrase de Blazy qui trouve une forte résonance dans le travail de Ristelhueber : « Ce qui m’intéresse se situe du côté de l’être vivant, dans sa fragilité aussi. » Les deux artistes nous parlent de précarité et de fragilité, de l’urgence à agir et de la nécessité de savoir poser son regard, le temps d’une apparition, le temps d’une œuvre… Deux univers en apparence si différents dialoguent ainsi le temps d’une échappée et font écho à cette phrase de Walter Benjamin dans son ouvrage consacré à Baudelaire : « Il n’est point de regard qui n’attende une réponse de l’être auquel il s’adresse. »

Texte : Nathalie Boisson
Photo : résolutions de Sophie Ristelhueber

Echap#1 : jusqu’au 13/06 à la Friche la Belle de Mai (41 rue Jobin, 3e).
Rens. 04 95 04 95 94 / www.sextantetplus.org/