Jeune femme à l’ouvrage de Françoise Duparc

Focus sur Jeune femme à l’ouvrage de Françoise Duparc au Préau des Accoules

Accoules, un Duparc !

 

Partie intégrante de l’ancien observatoire construit en 1702 par les pères Jésuites et restauré dans les années 80 pour être rendu au public en 1991, le Préau des Accoules est désormais un espace pour enfants, sous la direction des Musées de Marseille et la commissaire d’exposition Soria Makti. Focus sur l’une de ses pièces majeures, Jeune femme à l’ouvrage de Françoise Duparc.

 

 

Dans l’espace ludique et pédagogique, les œuvres présentées cheminent le fil d’une histoire des rives de la Méditerranée où la lumière, si particulière du Sud, traverse les toiles comme une signature. Les Roches claires de Raphaël Ponson, Village et port des Goudes d’Edmond Astruc, Les Collines d’Allauch de Marius Meiffren, Les Fonds d’eau d’Édouard Crémieux… Les styles se succèdent, l’épaisseur de la touche et la transparence des couleurs suivent le courant des époques, mais le décor reste immuable comme une sensation d’ici et maintenant, soutenue par un réalisme poétique qui n’a pas d’âge. Au milieu de ces peintures d’atmosphère, un tableau se détache des autres, celui de Françoise Duparc Jeune femme à l’ouvrage (1726-1778). On rencontre une présence dans un intérieur austère. Une lumière tamisée vient éclairer ce visage pâle aux joues rehaussées de vermillon. Elle semble sereine, occupée par l’étoffe qu’elle tient dans ses mains. Rien n’est précisé et tout repose dans cette attitude qui dessine une plénitude de l’instant. Ce tableau nous interpelle, parce qu’il épouse étrangement le souvenir de La Dentellière de Vermeer, peint entre 1669 et 1671 (et exposé au Musée du Louvre). Cette période phare de la peinture hollandaise marque un tournant dans l’histoire, parce que les commanditaires ne sont plus l’Église ou le Vatican, mais les notables du marché florissant des tulipes. Il n’est plus question de l’aura d’un dieu surgissant d’une lumière zénithale, mais d’un éloge du quotidien où l’être s’exprime dans la simplicité des tâches et dans l’épanouissement d’une occupation (La Leçon de piano, La Laitière, La Jeune femme à la lettre). Ce détachement de l’Église et la recherche d’un cheminement de l’existence dans une réalisation de soi, dans l’accomplissement d’une activité qui délimite le temps et inscrit la particularité d’une journée, devient un geste profondément moderne. La Jeune femme à l’ouvrage nous relie au contemporain, à l’actuel et à nous-même, dans l’ambigüité du travail ou du passe-temps, du temps libre ou du temps rémunéré. Tout est posé dans une interrogation dévoilée par la lumière du jour, où un clair-obscur révèle le vêtement et son époque dans un réalisme cinématographique ; parce que le cadre est serré, le sujet seul, parce que l’être humain n’est plus le personnage secondaire d’une scène biblique. Il est indivisible et unique, il est l’être dans son essence et sa présence.

 

Karim Grandi-Baupain

 

Marseille, la belle re-belle ! : jusqu’au 30/06 au Musée des enfants, Préau des Accoules (29, montée des Accoules, 2e).

Rens. : https://musees.marseille.fr