Drogue dure

Drogue dure

On a beau se la jouer « La télé, c’est caca, à part les séries, c’est tout pourri ! », il faut bien l’avouer : certains d’entre nous attendaient la quatrième saison de La Nouvelle Star avec impatience… (lire la suite)


On a beau se la jouer « La télé, c’est caca, à part les séries, c’est tout pourri ! », il faut bien l’avouer : certains d’entre nous attendaient la quatrième saison de La Nouvelle Star avec impatience. Malgré son nom affligeant et une issue ne présentant strictement aucun intérêt, le gigantesque télé-crochet de M6, ou plutôt ses cinq premiers épisodes de qualifications, nous a rendu accros. Accros à son montage nerveux, accros à ses éphémères et pathétiques « héros », et même accros à son non moins pathétique jury (mention spéciale à l’imbuvable Manu Katché) ! Et puis aussi — surtout — accros à sa cruauté. Jubilatoire. Intolérable. Malsaine.
Parce que si la violence et l’humiliation constituent l’ordinaire de bon nombre d’émissions de « télé-réalité » (cf. les candidats affamés et déboussolés de Koh-Lanta ou, dans une moindre mesure, les cocus désespérés et désespérants de L’île de la tentation), on n’avait encore jamais osé les afficher ainsi, et encore moins en faire un argument promotionnel ! Ce sont pourtant des phrases comme « J’avais jamais entendu chanter un Hobbit auparavant ! » ou « T’es ringarde ma fille, t’es carrément ringarde ! » qui font le véritable succès[1] de ce jeu de massacre.
Et l’on pense soudain aux arènes de l’Antiquité, à ces pouces tendus vers le bas, à ce pouvoir de vie et de mort que l’on pense tous détenir sur les plus faibles et/ou les plus malchanceux d’entre nous.
Et l’on s’interroge : en jouissant de l’humiliation infligée aux participants, de quel côté se situe le spectateur ? Inévitablement sadique quand il croit s’asseoir aux côtés des juges, n’est-il pas aussi un peu maso quand il ne croit rire que des autres ? L’humiliation a ceci d’opposé à la domination qu’elle ne soumet pas seulement la liberté d’autrui, mais porte aussi atteinte à l’estime de soi. Ne valait-il pas mieux qu’une telle jouissance demeure inconsciente ? Fallait-il vraiment libéraliser la cruauté ?
La télé — et donc La Nouvelle Star, qui en synthétise tous les préceptes (spectacle, voyeurisme, « vraies gens », paillettes de pacotille…) — n’est pas le nouvel opium du peuple, mais son héroïne : son shoot a beau procurer une extase incomparable, il n’en est pas moins mortel.

CC

Notes

[1] 5 millions de téléspectateurs en moyenne