DFragment Music et I.O.T. Records sous l’égide de Full Rhizome

DFragment Music et I.O.T. Records sous l’égide de Full Rhizome

DFragment-emilie-lesbros.jpg

La main verte

Unis depuis deux mois sous l’égide de la coopérative Full Rhizome, les labels marseillais DFragment Music et I.O.T. Records ensemencent des territoires sonores aventureux, au fil des rencontres et des intuitions. Une démarche florissante.

Quel est le point commun entre Sam Karpienia et Mekanik Kantatik ? D’avoir sorti un album sur DFragment certes. Mais il semble difficile d’établir des parallèles esthétiques directs entre ces deux musiciens. Jérémie Mension, coordinateur et gérant de la structure, s’attache à dire que « DFragment et I.O.T. n’ont pas de couleurs, pas de lignes directrices, les choses sont ce qu’elles sont grâce aux rencontres, à nos vies. » Bref rappel des faits : depuis le début de l’année, les deux labels marseillais se sont alliés pour former une coopérative, Full Rhizome. Le mariage de deux savoir-faire — l’un empirique, formé sur le tas au gré de vagabondages, l’autre plus théorique — et de deux sensibilités musicales opposées : tandis que le premier est historiquement axé sur le hip-hop, l’électro et la techno, le second est tourné vers le jazz, les musiques du monde, l’électro acoustique et les musiques improvisées. « Il n’y a rien d’évident dans nos contenus, c’est l’émotion ressentie qui fait le choix de l’artiste. D’ailleurs, notre distributeur ne sait jamais dans quel rayon il va catégoriser nos disques. » Pour mieux saisir de quoi il retourne, il est intéressant de se reporter aux pensées de Gilles Deleuze, le philosophe pour qui « un rhizome n’est pas fait d’unités, mais de dimensions, ou plutôt de directions mouvantes. » A Jérémie d’y donner suite: « Le croisement est intéressant, plus que la notion d’identité. Nos projets doivent se nourrir entre eux. » Une volonté qui aboutit donc sur des prises de risques, puisqu’il s’agit principalement de sortir des disques… Mais des risques plus ou moins grands. Autrement dit, la signature d’une « valeur sûre » permet, à côté, de sortir un artiste moins connu. Un cycle bien pensé. La cote de popularité n’étant pas un baromètre qualitatif fiable, l’essentiel aujourd’hui, sur un marché qui adore brasser du vent, c’est de faire les choses dans le bon ordre. « Il faut faire et promouvoir de la musique parce que l’on pense qu’elle a du sens, après on voit ce qu’il se passe commercialement parlant. » Et pas l’inverse. L’équation est simple : « Au départ, nous avons une belle idée et une contrainte de moyens, et au final on ne doit voir que la belle idée. » Sans manger son blé en herbe, sans feindre l’hypocrisie lorsqu’il s’agit de parler argent et de mettre en place un modèle économique fiable, et sans se voiler la face lorsque l’on évoque les répercussions à Marseille, le point de départ : « Nous sommes conscients qu’au niveau local, pour l’instant, nous ne touchons que le centre-ville, ainsi qu’une sorte d’élite culturelle… Mais on aimerait faire mieux. » Des volontés d’autant plus ambitieuses que les deux labels se lancent l’étonnant défi de sortir quinze albums, ni plus ni moins, dans les trois prochaines années. Quelques noms déjà : Emilie Lesbros, Under Kontrol, MC2, Carteva… Au printemps de prendre soin de ces jolis bourgeons.

Texte : Jordan Saïsset
Photo : Emilie Lesbros par Frank Bigotte.

Premier album de Red Rails sorti en février sur DFragment Music.
Premier album de Emilie Lesbros prévu pour mai sur Dfragment Music.
Premier album d’Under Kontrol prévu pour septembre sur I.O.T. Records.

Rens. www.fullrhizome.coop