Des vivants de Simon Roussin, Louise Moaty & Raphaël Meltz

Des vivants de Simon Roussin, Louise Moaty & Raphaël Meltz

Papier fait de la résistance

 

L’écrivain marseillais Raphaël Meltz signe ce mois-ci le scénario d’une bande dessinée historique atypique, Des vivants, co-écrite avec Louise Moaty et Simon Roussin au dessin, consacrée au réseau de Résistance du Musée de l’Homme qui a vu des intellectuels s’engager contre la barbarie nazie. Poignant !

 

 

Ouvert à Paris en 1937, en plein Front populaire, le Musée de l’Homme avait pour projet humaniste de faire découvrir au public français les autres cultures que celles de l’Occident, un vrai « défi au racisme ».

Alors qu’en juin 1940, les Allemands occupent la capitale qui se vide de ses dirigeants, le Musée de l’Homme est l’un des seuls musées à rester ouvert.

Après l’appel à résister à l’occupant allemand du 18 juin, des gens vont, aux quatre coins de France, s’organiser comme ils le peuvent pour apporter leur contribution à la Résistance, comme cela a été le cas au Musée de l’Homme.

 

« Nous étions des apprentis, des autodidactes de la conspiration »

Si l’on croise dans cette bande dessinée monumentale de 260 pages des personnalités devenues célèbres, au premier rang desquelles Germaine Tillon, figure de la Résistance, les auteurs ont préféré s’intéresser au destin de trois personnages moins connus : deux ethnologues d’origine étrangères mais naturalisés, Boris Vildé et Anatole Lewitsky, ainsi que leur comparse bibliothécaire Yvonne Oddon, autour desquels gravitent de nombreux autres intellectuels ou juste des gens révoltés par l’envahisseur allemand.

Car ce qui faisait la force de ces premiers résistants, c’est que se mêlaient des hommes et des femmes « de tous les bords politiques et de tous les niveaux sociaux », que ce soit une comtesse ou encore un militaire à la retraite qui, bien qu’affilié à l’Action française, livrait au Réseau de précieuses informations sur les positions allemandes.

Si leurs actions de résistance peuvent paraître parfois timides, c’est surtout sur le champ des idées que le groupe va agir. Rapidement, ces intellectuels se lancent dans la conception d’un fascicule sobrement baptisé Résistance, qui sera distribué sous le manteau pour montrer qu’il n’est pas question de baisser les bras.

Malheureusement, la traîtrise et la dénonciation vont faire tomber le Réseau.

 

« J’ai répété ce que j’ai entendu »

S’inspirant de cette citation de Germaine Tillon qui débute l’ouvrage, les auteurs ont choisi de respecter les faits historiques bien entendu, mais aussi les propos des personnages réels qui sont tous extraits de leurs écrits (essais, articles mais aussi correspondances), reconstituant ainsi, loin de l’exercice de style purement formel, le plus fidèlement possible leurs pensées et leurs idées, soit près de deux cents documents qui sont répertoriés dans d’imposantes mais passionnantes notes en fin d’ouvrage.

Avec un tel procédé, on aurait pu s’attendre à une bande dessinée très bavarde. Or, ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, de nombreux passages sont des scènes quasi muettes, où se déploie tout le talent des auteurs — les scénaristes mais aussi le dessinateur Simon Roussin qui a eu une grande liberté d’interprétation.

Fidèle collaborateur des éditions 2024 basées à Strasbourg qui ont su, comme à leur habitude, réaliser un très bel écrin pour cet ouvrage (grand format, dos toilé, impression en tons directs,…), l’auteur de BD Simon Roussin, habitué à des récits plus personnels, s’est employé à trouver le trait le plus lisible entre précision et sensibilité, évitant le réalisme pointilleux de bien des récits historiques.

Tout cela contribue à donner à la mise en scène une certaine pudeur et sobriété comme avec la fin tragique de certains membres du Réseau, dont on ne verra pas l’exécution qui est juste évoquée par le témoignage touchant de l’un des rescapés qui clôt l’album par ces mots, en guise d’hommage, « tous frères par la volonté de dire non jusqu’au bout. »

Cet ouvrage constitue un témoignage à la fois sobre et poignant de l’engagement qu’heureusement certains ont eu pour marquer leur opposition à un régime barbare et injuste. Des héros méconnus qui se sont tenus debout et qui ont su rester des vivants !

 

JP Soares

 

Dans les bacs : Des vivants de Simon Roussin, Louise Moaty & Raphaël Meltz (Éditions 2024)

Rencontre avec les auteurs : le 16/10 à 19h à la librairie La Réserve à bulles (58 rue 3 Frères Barthélémy, 6e).

Rens. : 09 73 62 11 47 / www.reserveabulles.com/

Et pour les plus jeunes : rencontre autour de la maison d’édition et revue de BD pour enfants Biscoto avec les auteurs Charlotte Pollet et Benoît Preteseille le 16/10 à 16h à la librairie Le Poisson-Lune (117 boulevard Baille, 5e).

Rens. : 04 91 94 51 05 / www.facebook.com/librairieLPL/

Retrouvez toute l’actualité de la BD à Marseille sur http://www.panoramabdmarseille.fr/