Louis Cariou a réalisé la vidéo de la performance de Leslie Bourgeois pour la conférence des lundis de l'art du 23 novembre

Des nouvelles… du Centre d’arts plastiques Fernand Léger

Dans un quotidien désormais gouverné par l’incertitude, nous donnons la parole aux forces vives de la culture, touchées de plein fouet par la crise sanitaire.

En dépit du confinement, le centre d’arts plastiques de Port-de-Bouc continue à mener ses activités, notamment sur les plateformes numériques. Déplorant le classement du secteur culturel comme « non essentiel », sa directrice, Laure Lamarre Flores, fait le point avec nous sur cette nouvelle organisation.

 

 

À quoi aurait ressemblé l’année 2020 de votre structure sans la crise sanitaire ?

Nous aurions pu mener à bien tous les projets travaillés en amont sans les soucis de reports et d’annulations qui ont vraiment eu pour effet de mettre la structure dans une difficulté de gestion de son calendrier et ont contribué à des risques de démotivation des équipes. L’étape la plus compliquée ayant été l’annulation pure et simple des Journées du Patrimoine, soit une année complète de travail à la poubelle ! Dans le même temps, nous n’aurions pas eu à affronter la peur des usagers à revenir fréquenter notre structure par crainte d’un deuxième confinement.

 

Suite à l’arrêt brutal de vos activités provoqué par le premier confinement, avez-vous pu compter sur des soutiens physiques, psychologiques, financiers ?

Nous sommes une structure municipale qui a eu la chance de pouvoir conserver ses salaires et ses budgets sans problème. Nous n’avons pas donc eu à bénéficier de soutiens extérieurs pour poursuivre nos activités. Financièrement, le seul bémol auquel nous avons dû faire face est le remboursement sous forme d’avoir de trois mois de cours d’arts plastiques — nous sommes aussi une école d’arts plastiques territoriale, membre de l’ANÉAT(1) et réunissant environ 150 élèves à l’année — n’ayant pas pu être donnés en physique (mais tout de même à distance), et ayant engendré une baisse de rentrée de fonds en régie directe.

En ce qui concerne les soutiens psychologiques, nous nous les sommes nous-mêmes créés, au sein d’une équipe dynamique et forte de proposition, en ne cessant pas une seconde de créer de l’activité, à distance et en ligne, certes, mais avec une vraie volonté de se réinventer sans baisser les bras. Nous avons été ensuite confortés dans cette idée en prenant en compte autour de nous les différents retours d’expérience, par le biais de nos réseaux (Provence Art Contemporain, Arts en résidence et ANÉAT) qui, pour la plupart, avaient été spontanément identiques à nos initiatives.

 

Avez-vous eu la possibilité de vous réorganiser, voire de vous réinventer, afin de pouvoir profiter un minimum des quelques mois de répit partiel qui ont précédé cette nouvelle épreuve ?

La réinvention a été amorcée durant le premier confinement par la création de nombreux supports numériques que nous n’avons pas mis de côté, heureusement, et que nous continuons activement d’utiliser dans cette nouvelle vague. La phase intermédiaire nous a permis de revenir prendre nos marques dans la structure, de relancer les projets en jachère, qui eux, ne pouvaient pas se faire à distance. Pour autant, l’incertitude ambiante ne nous a pas invités à programmer des choses « lourdes » et/ou « structurantes » durant la période estivale, mais plutôt de nous orienter vers des projets légers, notamment avec le dispositif de la DRAC « Rouvrir le monde ».

Nous avons eu foi dans le fait que même si une seconde vague devait se produire, les mesures ne seraient pas aussi coercitives que durant le premier confinement. Nous avons donc sorti un programme 2020/2021 complet et solide. Malheureusement pour la culture, il s’agissait d’une chimère et nous nous sommes retrouvés dans une configuration similaire : fermeture de l’établissement.

La vraie différence vient du fait qu’avec l’expérience du premier confinement, nous avons maintenu coûte que coûte nos actions et nous avons fait en sorte de les proposer à la jouissance du public à distance et en ligne : expositions, conférences, etc. Les outils créés durant la première vague ont donc servi à être réactifs à la minute de l’annonce du deuxième confinement pour ne pas perdre le lien avec nos usagers.

 

Quelles sont vos attentes quant à la considération de l’État pour le milieu culturel face à cette crise sanitaire ?

De la justice et de la reconnaissance !

De la justice : il n’est pas normal de pouvoir avoir accès à de grandes enseignes bondées et dans le même temps d’empêcher de petites structures de rendre accessibles leurs expositions qui accueillent en moyenne une dizaine de personnes par jour et à des plages horaires étendues, dans des conditions de sécurité bien plus optimales que pour le premier exemple, donc !

De la reconnaissance : on parle à juste titre de l’aberration du qualificatif de certains domaines comme « non essentiels » et du fait que de très nombreux petits commerces soient en difficulté, mais personne ne parle sérieusement du séisme provoqué par toutes ces mesures dans le domaine de la culture au sens large. Nous avons besoin d’une prise en considération plus fine du maillage culturel.

 

Arrivez-vous à trouver un quelconque aspect positif, qu’il soit personnel, organisationnel ou communautaire, à toutes les difficultés engendrées par ces handicaps répétitifs ?

L’aspect positif est évidemment la nécessité de se remettre en question et d’amorcer de nouvelles formes de pratiques. L’objectif n’est pas d’abolir les anciennes, surtout pas, mais de développer des outils complémentaires permettant de mieux faire rayonner nos actions — le sujet est ô combien d’actualité puisque le contexte semble démontrer que nous ne sommes pas assez visibles ! Nous pensons bien sûr au numérique.

Dans le même temps, c’est une façon au quotidien de repenser nos manières de travailler en interne avec la mise en lumière d’une forme d’efficience de l’équilibre entre travail en présentiel et à distance, permettant à titre personnel de mieux optimiser les tâches dans un état d’esprit souvent plus concentré et plus serein.

Il y a aussi une forme de solidarité qui se développe. La nécessité de trouver des solutions pour se sortir d’une situation compliquée resserre les liens professionnels, mais — attention — pas forcément avec l’usager.

 

Quel est votre sentiment par rapport à ce deuxième confinement ? Quelles sont vos perspectives d’avenir ?

Comme je l’ai dit, c’est pour nous un vrai sentiment d’injustice qui ressort de ce deuxième confinement, qui pour nous n’est absolument pas strict (il suffit de voir le monde dans les rues), mais stigmatise seulement quelques catégories professionnelles et principalement la culture dite « non essentielle ».

La perspective au sortir de ce confinement est de reprendre à la seconde les activités que nous avons maintenues mais en présentiel, et d’aller de l’avant. Nous espérons aussi ne pas avoir à trop chambouler notre calendrier au risque de mettre en difficulté les artistes avec qui nous travaillons.

 

Avez-vous mis en place des mesures spéciales pour garder le lien avec vos visiteurs pendant ce reconfinement ?

Oui, nous avons tout maintenu à distance par des vidéos principalement qui permettent à nos visiteurs de continuer à voir nos expositions, nos conférences. Nos professeurs de l’école d’art ont maintenu leurs cours en visioconférence avec des systèmes de drive pour que les élèves viennent chercher du matériel afin de pouvoir continuer à suivre les enseignements de chez eux. Nous poursuivons les cours dans les écoles qui, elles, le permettent. Nous avons intensifié nos publications sur les réseaux sociaux et sur notre site internet. Et enfin, si le confinement se prolonge nous espérons pouvoir ouvrir nos expositions sur rendez-vous… après tout, en plus d’être un ERP(2) culturel, nous sommes aussi un service municipal. À vos attestations !

 

Propos recueillis par la rédaction

 

 

 

Pour en (sa)voir plus : www.centrefernandleger.com / www.facebook.com/centredartsplastiquesfernandleger

 

 

Notes
  1. Association nationale des écoles d’art territoriales de pratiques amateurs[]
  2. Établissement recevant du public[]