Le 6MIC © Lisa Ricciotti

Des nouvelles… du 6Mic

La deuxième vague épidémique emporte avec elle les fondations péniblement reconstruites, les programmations reficelées tant bien que mal, les motivations rafistolées entre deux pauses forcées. Pour beaucoup d’acteurs et organisations culturels, l’opportunité de rouvrir ou de reprogrammer ne sera même pas envisageable. Cette fin d’année sonne l’heure d’un (triste) bilan, dans un désormais habituel quotidien cataclysmique. Nous avons souhaité mettre à profit cette nouvelle suspension pour donner la parole à ces forces vives touchées de plein fouet par la crise sanitaire.

Dans cet épisode, nous interrogeons Stéphane Delhaye, directeur de la nouvelle salle aixoise, le 6Mic. Cette jeune structure, qui ajoute à ses deux impressionnantes scènes des studios flambants neufs, est immense par sa taille comme par son ambition. Le 6Mic a entrebâillé ses portes en début d’année, lors d’un week-end de « première secousse » sur le fil et explosif, avant de devoir les refermer aussitôt. Dès que cela fut permis, l’équipe du 6Mic a proposé une série d’événements réadaptés aux (trop nombreuses et changeantes) contraintes sanitaires, avant de se voir forcée, de nouveau, de tout arrêter. On fait le bilan, calmement.

 

 

À quoi aurait ressemblé l’année 2020 de votre structure sans la crise sanitaire ? 

L’année 2020 aurait ressemblé à une année de démarrage, avec un peu plus de 110 concerts, des propositions tout au long du mois de juillet dans notre patio, des diffusions de films musicaux, des soirées organisées par des opérateurs locaux, l’accueil de productions extérieures, l’accueil d’artistes nationaux et locaux en résidence pour leur création… Mais aussi et surtout, des rencontres et des moments de partage, notamment avec de nouveaux publics !

 

Suite à l’arrêt brutal provoqué par le premier confinement, avez-vous pu compter sur des soutiens physiques, psychologiques, financiers ? 

À vrai dire, les soutiens physiques et psychologiques, on les a trouvés en interne, auprès de nos amis et familles, mais aussi auprès du secteur qui s’est montré très solidaire. Nous avons eu de nombreux temps d’échanges en visio, ce qui nous a permis de partager notre regard sur nos situations respectives, les perspectives qu’on imaginait et les solutions pour réagir collectivement. On a essayé de se serrer les coudes.

Du côté financier, nous avons, par l’intermédiaire de nos syndicats et fédérations, pu faire valoir auprès de l’État et de la Région la nécessité d’un soutien financier pour l’ensemble du secteur du spectacle vivant, et des musiques actuelles en particulier. Pour ce qui concerne le 6Mic, nous avons souffert d’un manque d’antériorité car nous ne pouvions justifier d’une baisse de chiffre d’affaires alors que, pour autant, le manque à gagner est réel.

 

Avez-vous eu la possibilité de vous réorganiser, voire de vous réinventer, avant cette nouvelle épreuve ? 

Depuis la sortie du premier confinement, nous avons largement ouvert nos scènes aux artistes et opérateurs locaux, notamment dans le cadre du projet « Rouvrir le monde » porté par le ministère de la Culture via la DRAC, et dans le cadre des plateaux solidaires portés par ARSUD, afin de leur permettre de réaliser des résidences et de poursuivre leur travail de création. Parallèlement, nous avons ouvert les studios de répétitions depuis le 1er juillet afin de pouvoir accueillir l’ensemble des groupes ou musiciens qu’ils soient amateurs ou professionnels. De plus, nous avons poursuivi la mise en place des actions culturelles qui ont pu démarrer concrètement à partir de la rentrée de septembre. Depuis fin septembre, nous avions imaginé une nouvelle programmation, régulière et récurrente, qui permettait de conserver une partie de la programmation initiale et d’ouvrir notre lieu du mercredi au samedi : les 6thématiques, soirées mettant à l’honneur tables rondes, concerts, french tech et gastronomie. Les soirées « Ondulations » du jeudi laissaient la platine libre aux Djs lors d’afterworks, et il y avait une programmation de concerts dans les grandes salles et dans le hall les vendredis et samedis. Pour ce faire, nous avons dû repenser la configuration nous permettant d’accueillir une jauge de 200 spectateurs assis. Ainsi, nous avons programmé des concerts du 24 septembre au 24 octobre, en nous adaptant même au couvre feu.

Depuis le reconfinement, nous avons dû à nouveau tout annuler, sauf les résidences d’artistes professionnels.

 

Quelles sont vos attentes quant à la considération de l’État pour le milieu culturel face à la crise ? 

Comme d’autres secteurs, nous sommes particulièrement touchés. Nous avons été les premiers à fermer et nous seront les derniers à rouvrir en conditions « normales ». Mais avec notre secteur, ce n’est pas que le spectacle qui est atteint, mais aussi les prestataires, qu’ils soient techniques, attachés de presse, agents de sécurité, personnels de catering… tous ceux qui sont à l’arrêt et qui pour bon nombre risquent de ne jamais s’en relever. La perte d’activité dans notre secteur entier est évaluée entre 80 et 95 % du chiffre d’affaire. Et encore, c’est sans évoquer l’impact culturel et social que cela occasionne sur le public en général ! Nous attendons donc de l’État un soutien total, tant que nous ne pourrons pas retrouver les conditions d’exploitation de nos équipements en pleine jauge debout.

 

 

 

 

Arrivez-vous à trouver un quelconque aspect positif à toutes les difficultés engendrées par ces handicaps répétitifs ? 

Collectivement, l’avantage est que nous pouvons prendre un peu de recul sur nos activités, lorsque nous sommes à peu près toujours pieds au plancher. Cela nous permet donc de nous interroger sur la façon d’exercer nos métiers, sur les modes de collaborations qui sont pertinents. Comme il a été demandé, nous « enfourchons le tigre » et nous essayons de nous réinventer, mais je crois que c’est dans l’ADN des artistes et de notre filière que d’être en mouvement et de s’interroger en permanence. Par ailleurs, je remarque que cela a permis un dialogue entre certaines disciplines artistiques, ce qui ne se faisait pas forcement de manière naturelle. Ce dialogue met en exergue les points qui nous rassemblent plutôt que ceux qui nous séparent. Au fond, nous avons tous la même problématique finale, à savoir présenter une proposition artistique au public. Personnellement et au sein des équipes, on commence à sentir une réelle fatigue et lassitude à force de faire et défaire tous les trois mois une programmation et un calendrier qui puissent garder une cohérence.

 

Quel est votre sentiment à l’entrée de ce deuxième confinement strict ? Quelles sont vos perspectives d’avenir ? 

Malgré cette fatigue, nous devons garder le rythme et proposer des solutions aux artistes et aux publics. Le problème, c’est le brouillard et le manque cruel de perspectives. Nous n’avons aucune vision sur la suite de la crise (comme tous !) et les indicateurs qui nous reviennent ne sont pas rassurants. Il est probable que nous ne sortions pas de cette situation avant septembre 2021… La méthode du stop and go pose problème pour tous. Elle est ingérable et mortifère à terme ! Pour ce qui est du 6Mic, les quelques dates du mois de décembre ont été reportées. Nous ne savons pas vraiment dans quelles conditions nous allons pouvoir redémarrer en janvier. Nous reprogrammons, donc, tout en ayant à l’esprit qu’il va peut-être falloir reporter encore une fois ou s’adapter avec des horaires contraignants.

 

Propos recueillis par la rédaction

 

Pour en (sa)voir plus : https://www.6mic-aix.fr/