De Gaulle en mai à La Criée.

De Gaulle en mai à La Criée.

Fin de mois difficile

En ouverture de la saison, le directeur de la Criée, Jean Louis Benoit, livre une pièce à dimension historique et presque commémorative. Trop, peut-être…

De-Gaulle-en-mai.jpgIl n’est certes pas innocent de produire, quarante ans après, une pièce sur les évènements de mai 68 côté coulisses du pouvoir, surtout après le battage médiatique de ces derniers mois sur « l’anniversaire »… Mais foin de suspicion : intéressons-nous à ce De Gaulle en Mai, qui réunit cinq acteurs autour des textes rapportés par Foccart (l’homme de confiance du Général pendant plus de vingt ans), dans une mise en scène reposant sur le symbolique.
Chaque mouvement, chaque déplacement, chaque accessoire a en effet une portée métaphorique dont il est assez aisé de s’emparer : un premier geste de Pompidou qui s’appuie sur le fauteuil du président en guise de présage, de Gaulle regardant le pavé d’une barricade comme Hamlet son crâne…
On pourrait se réjouir de l’efficacité de la scénographie dressée, structurée dans une verticalité étouffante, comme des corps des acteurs, qui traduisent parfaitement l’évolution de la situation — de la tension nerveuse à l’agitation, en passant par l’affaissement découragé de l’excellent Dominique Compagnon.
Mais ce système cohérent, cette exploitation pertinente s’avèrent trop efficaces : Jean-Louis Benoit livre une pièce facile à digérer, mais tombe dans un excès de didactisme.
La danse légère — dont on pardonne volontiers la désynchronisation du quintette — n’arrive que trop tard sur la piste : on en rit parce qu’on évacue la tension nerveuse accumulée par les personnages, et à laquelle nous sommes rendus certes réceptifs, mais par ennui.
Aussi expérimentés soient-ils, les acteurs ne parviennent pas à faire vivre leurs personnages. Le rythme de parole un peu artificiel et sans évolution, le manque d’immédiateté dans le jeu, par ailleurs souvent excessif, l’élocution trop articulée — mais sans l’élégance des hommes publics de l’époque ORTF — vont dans le sens de la mise en scène : une pièce trop léchée, à laquelle on ne peut pas reprocher de manquer de sens, mais « sans partage du sensible », pour reprendre l’expression de Jacques Rancière.
De Gaulle en mai fait ainsi figure d’ancien combattant : d’un autre temps, d’un autre âge, désuet. Gageons que l’expérience nouvelle du dehors rendra La Criée moins… ronronnante.

Joanna Selvidès

De Gaulle en mai. Jusqu’au 31/10 au TNM La Criée.
Rens. 04 91 54 70 54 / www.theatre-lacriee.com