Blaise Pascal de Roberto Rossellini

Cycle « Roberto Rossellini : “Je ne suis pas un cinéaste” »

Lasciattemi filmare

 

L’équipe du Videodrome 2 nous offre, avec le cycle de quatre films « Roberto Rossellini : “Je ne suis pas un cinéaste” », une occasion unique de découvrir le travail que le réalisateur italien développa dans les années 70 pour la télévision.

 

 

Avec Rome, ville ouverte en 1945, qui ne fut cependant pas son premier film, Roberto Rossellini forgea les bases d’une révolution cinématographique qui allait instiller la création des décennies à venir et ancrer le cinéma dans une représentation du réel à la fois libératrice et parfois, paradoxalement, coercitive, comme en témoignera plus tard le cinéaste italien. Une révolution dont les effets se font encore nettement sentir de nos jours. Si une poignée de précurseurs l’avait déjà précédé dans ce geste, bien avant-guerre, les chefs d’œuvre que sont Allemagne année zéro, Stromboli ou Les Onze Fioretti de François d’Assise resteront copieusement cités en exemples par les jeunes loups de la Nouvelle Vague française ou, plus tardivement, du Free Cinéma anglais. Nul doute que Rossellini a signé les plus belles pages du néoréalisme italien — il n’est évidemment pas le seul — et que les langages du rapport au réel et à l’histoire, au cinéma, en furent profondément bouleversés. Le cinéaste restera malgré tout critique sur cet héritage-même — et sa force émancipatrice — en soulignant, concernant la Nouvelle Vague, que « depuis vingt ans, (…) ils racontent inlassablement les troubles de la puberté. À quoi bon libérer le cinéma des forces de l’argent si c’est pour le faire déboucher sur celles du fantasme individuel, en espérant que celui-ci deviendra collectif ? »

Roberto Rossellini prend alors, à l’orée des années 70, un nouveau tournant, beaucoup moins connu aujourd’hui du public : outre brocarder l’inculture qui prédomine et la transformation du cinéma — qui participe désormais, selon lui, à l’aliénation des masses —, propos qui entrent en résonnance aux Lettres luthériennes de Pasolini, Rosselini investira l’outil télévisuel, pour une série de films axés sur l’histoire ancienne et quelques personnages qui lui sont chers : en tournant pour la télévision, le cinéaste tient à conserver son rôle de passeur, d’un héritage qu’il sent toujours prégnant dans nos sociétés modernes. L’ouvrage d’Aurore Renaut, Roberto Rossellini, de l’histoire à la télévision, ou le documentaire de Jean-Louis Comolli, La Dernière Utopie : la télévision selon Rossellini, ont finement éclairé ce virage majeur du réalisateur. Et c’est avec un immense bonheur que tout cinéphile pourra découvrir cette période télévisuelle sémillante du cinéaste, lors du cycle proposé par les équipes du Videodrome 2 ! Une belle programmation qui reviendra sur les quatre films des années 70, qui nous projettent dans une relecture rossellinienne de l’histoire : Blaise Pascal, Descartes (Cartesius), Socrate et Augustin d’Hippone (Agostino d’Ippona). Quatre opus à découvrir absolument, si l’on désire d’une part élargir nos regards sur le réalisateur, et d’autre part vivre une puissante expérience de cinéma. Quatre films durant lesquels Rossellini revient sur ses lectures et sa fascination de l’histoire, et ce qui fait sens dans l’évolution des civilisations. Quatre films où les expériences narratives font preuve, paradoxalement pour le format, d’une réelle inventivité, et dans lesquels, au détour des plans, nous retrouvons un Pierre Arditi débutant. Roberto Rossellini fera sens, dans ces quatre opus, dans la réappropriation de l’histoire pour mieux apprendre de notre monde.

 

Emmanuel Vigne

 

 

Cycle « Roberto Rossellini : “Je ne suis pas un cinéaste” » : du 15 au 19/02 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e).

Rens. : 04 91 42 75 41 / www.videodrome2.fr

Le programme complet du cycle « Roberto Rossellini : “Je ne suis pas un cinéaste” » ici