Un train dans la nuit
Extérieur Nuit s’installe au Miroir de la Vieille Charité et au Polygone Etoilé pour l’événement Au fil des vagues, série de projections, de rencontres et de débats autour de l’héritage d’un certain cinéma français.
Si, comme le soufflait Truffaut à l’oreille de Jean-Pierre Léaud dans La Nuit américaine, « Il n’y a pas d’embouteillages dans les films, il n’y a pas de temps morts. Les films avancent comme des trains, tu comprends ? Comme des trains dans la nuit », cette nuit apparaît aujourd’hui fort opaque, sans lune (celle de Méliès ?), et les wagons semblent bel et bien s’être décrochés. Nous l’avons souvent développé dans ces colonnes, une certaine idée de la cinéphilie (pour paraphraser l’expression des jeunes Turcs) s’est éteinte ces dernières décennies. Les conséquences sont plus importantes qu’on ne l’imagine : la curiosité du public pour des formes nouvelles, ou l’attrait de cinématographies hors normes, s’est profondément émoussé dans un pays considéré pourtant comme fer de lance dans la perception historiographique du cinéma. Les médias culturels dominants ne sont pas étrangers à cette « lénification » des consciences, et, pour faire court, l’évolution de la cinéphilie aujourd’hui se fomente plus aisément dans les lieux hors cadres que dans les salles de cinéma. Il a par ailleurs manqué, pour ces dernières générations, de véritables passeurs, qui auraient permis aux « ciné petits-fils » d’investir cet héritage, de le renouveler, de continuer à l’enraciner dans nos consciences. A Marseille, une poignée de structures offrent heureusement l’occasion de replonger dans l’histoire de cette cinéphilie, et au-delà celle du cinéma, dont Extérieur Nuit, qui propose au mois de décembre la manifestation Au fil des vagues, rendez-vous pluriels destinés à renouer avec l’une des dynamiques de cet art majeur : parler de soi pour dire le Monde. En cette fin d’année, le public est invité à (re)découvrir les œuvres-clés du cinéma hexagonal, de La Maison des bois de Maurice Pialat aux films de Jacques Rozier, de Jean Vigo aux plus jeunes cinéastes comme Guillaume Brac. De nombreux invités — et non des moindres ! — accompagneront les projections : André S. Labarthe, Jacques Rozier Guillaume Brac ou Serge Le Péron ont répondu à l’appel, ainsi qu’une poignée d’exploitants locaux lors des tables rondes. Avec une mention spéciale pour la venue, le 8 décembre, de Bernard Menez, qui servira de fil d’Ariane entre les films programmés ce jour-là, dont il partage l’affiche.
Emmanuel Vigne