Courrier d’électeur

Courrier d’électeur

Il est des pays où il est de bon ton de manifester son mécontentement suite à un résultat électoral qui ne satisferait pas la majorité réelle de la population en renversant les urnes. C’est ce qu’avait montré Alessi Del Umbria dans son film Istmeno sur les luttes contre les méga projets éoliens au Mexique : censés fournir de l’énergie renouvelable pour les Yankees, leur implantation ravageait les écosystèmes et accentuait la paupérisation. Aussi des Mexicains avaient-ils décidé d’en finir avec le résultat d’élections iniques.

Faudra-t-il en venir là dans notre « belle Provence », où les suffrages en faveur de l’extrême droite sont enkystés dans les communes, à la faveur de taux d’abstention record ? Le terreau fasciste, on commence hélas à le connaître : irrédentisme villageois, nostalgérisme férocement raciste, machisme patriarcal éhonté… Sans oublier la hantise du déclassement qui pousse à chercher des boucs émissaires, ou encore le mépris des expressions culturelles émancipatrices porté par des classes moyennes aliénées, confites dans leur héliotropisme narcissique. Le fait est que ces « petits-blancs » remplis de haine de l’autre n’oublient pas d’aller voter, eux…

Et nous, que d’aucuns désignent comme la « classe culturelle », qu’on qualifie de «bobos », jusqu’à quand continuerons-nous à nous complaire dans ce que l’anarchiste italien Camilio Bernieri appelait le « crétinisme abstentionniste » ? On sait que l’abstention ne résulte pas forcément d’un choix idéologique mais bien plutôt d’un sentiment d’illégitimité à participer au jeu politique, ne serait-ce qu’en glissant son bulletin dans l’urne après être passé par l’isoloir. C’est ce que le politologue Daniel Gaxie appelait le « cens caché » : le suffrage universel, loin d’être égalitaire, confirme les inégalités sociales. Ajoutez à cela l’illusion « un homme = une voix », qui nous réduit au statut d’individus esseulés et rationnels et fait de nous des consommateurs d’une offre politique de plus en plus réactionnaire, et nous voilà confrontés à l’inutilité de la désignation des gouvernants par le vote.

Pourtant, depuis ce printemps, de nouveaux espoirs germent dans l’esprit de celles et ceux qui n’en peuvent plus de la chape de plomb autoritaire, néolibérale et écocide qui s’est abattue sur l’hexagone depuis une trentaine d’années, et dont le prurit fasciste n’est qu’une excroissance. Sans être dupes du jeu de la NUPES, c’est dans cette coalition que résident les énergies à même d’inverser l’ordre des choses et de converger dans une « force sociale du bien », comme le disait Sonny Rollins à propos du jazz ! Après, les jeunes, il va falloir sortir de votre léthargie de Sudistes et daigner vous déplacer jusqu’au bureau de vote le plus proche. Parce que, là, chez nous, juste de l’autre côté de la porte, est tapie la bête immonde qui n’attend qu’une chose : nous croquer.

 

Laurent Dussutour