CinéThéâtre à la Cartonnerie

CinéThéâtre à la Cartonnerie

Ça Cartoun !

A l’aube de son trentième anniversaire, le Cartoun Sardines Théâtre fait son cinéma à la Friche. L’occasion de « se la jouer » avec Patrick Ponce, « cartouniste en chef », qui revient avec nous sur la genèse du projet CinéThéâtre.

cien-theatre-bonheur.jpg« Pour moi, le théâtre, c’est rentrer dans un monde, l’explorer et réinventer tout ce que je vois. Enfin… quand je dis “réinventer”, c’est un peu prétentieux. Disons que j’adapte, je regarde les choses avec un point de vue différent. » Patrick Ponce, la cinquantaine énergique, pourrait parler de sa passion pour la scène pendant des heures. Volubile, l’homme qui a créé voilà presque trente ans le Cartoun Sardines Théâtre aux côtés de Philippe Car (1) fourmille d’idées, d’envies. La dernière en date ? CinéThéâtre, un festival protéiforme dont le « jeu » — dans tous les sens du terme — pourrait être le maître mot : jeu d’acteur, jeu avec les codes et les genres, jeu avec le public… Dans un milieu théâtral ayant une certaine tendance à tourner en circuit fermé, le Cartoun n’hésite pas en effet à se réclamer du grand public. Festif, burlesque, très visuel, puisant son inspiration dans des genres aussi différents que le dessin animé, le clown et la commedia dell’arte, le travail du collectif à géométrie variable attire ainsi un public éclectique et redonne un sens au spectacle vivant et populaire.
Approfondissant continuellement son exploration du théâtre, le Cartoun expérimente depuis quelques années une nouvelle forme de travail scénique associant cinéma muet, théâtre et musique : « Jouer avec le muet, c’est comme une évidence. Il y a une faille dans laquelle on peut s’engouffrer pour y inclure quelque chose de vivant, sans se donner de limites. » Ainsi, en 2003 naît Faust, « plus un divertissement qu’un spectacle à proprement parler », dans lequel nos joyeux drilles s’amusent à sonoriser entièrement le chef d’œuvre de Murnau. « Cette magie théâtrale du direct, de rentrer dans un film à partir de sons, de bruits, de voix faits sur le plateau, ça fonctionne. » Et ça fonctionne même très bien : le spectacle est joué plus de deux cents fois dans toute la France. Et donne envie à Patrick et ses comparses de réitérer l’aventure, en poussant plus loin le projet théâtral. Ainsi, avec Lulu, il ne s’agit pas seulement de sonoriser un film, mais de « jouer l’histoire » en se servant et du texte de Wedekind et du film de Pabst (voir ci-dessous). Dernière expérience ciné-théâtrale en date, Le bonheur « pourrait se situer à mi-chemin entre les deux autres pièces » : il s’agit ici de « jouer le spectacle de la sonorisation » du film de Medvedkine, de créer un jeu de miroirs entre l’écran et la scène.
Trois pièces, et autant de manières d’appréhender le spectacle dans tout ce qu’il a de plus vivant : il y avait là matière à un festival. D’où le bien nommé CinéThéâtre, qui propose pendant deux semaines une plongée ludique et interactive dans l’univers fantasmagorique du Cartoun. Un univers dans lequel le public est roi : à lui de jouer…

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CinéThéâtre : jusqu’au 19/04 à la Cartonnerie (Friche la Belle de Mai). Rens. 04 95 04 95 70 / www.cartounsardinestheatre.com
Retrouvez l’interview filmée de Patrick Ponce ici


LE FESTIVAL

La Croisette s’amuse

Ambiance Croisette et bal musette, la Cartonnerie revêt ses habits de fête pour plusieurs soirées dont vous serez peut-être les stars.

« Un festival, ça consiste à prendre un univers, un principe et à en faire quelque chose de festif. » Dont acte avec une manifestation qui n’entend pas seulement être « un vibrant hommage du théâtre au cinéma », mais aussi jouer sur tous les registres artistiques. Ainsi, le Cartoun propose plusieurs animations en marge des spectacles. A commencer par l’arrivée du public sur un tapis rouge, suivie d’une « montée des marches » sous les crépitements des flashes de faux journalistes, qui intervieweront ensuite quelques « V.I.P. » afin de produire un vrai-faux reportage diffusé en fin de festival. A l’issue de chaque représentation, les repas seront animés par un karaoké cinématographique, où des membres du public — les V.I.P. susmentionnés, sur leur 31 et préalablement entraînés — doubleront en direct les personnages de leurs films préférés à l’écran. L’équipe du Cartoun fera elle-même son cinéma chaque mardi via un petit cabaret festif, en interprétant quelques extraits de films, et s’évertuera à enfiévrer son public le samedi soir, dans une Cartonnerie transformée en salle de bal. At last but not least, une exposition proposant des installations interactives fera écho à la manifestation.

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LES PIECES

Faust
C’est peut-être le plus célèbre opus du cinéma muet allemand de l’entre-deux guerres. Partant de la légende de Faust, œuvre maîtresse de Goethe, Murnau réalise un film-fresque, animé par des effets spéciaux et des trucages très poussés pour l’époque, aussi loin que les moyens techniques le permettaient. Il deviendra une référence, préfigurant le cinéma fantastique. La version « cartounesque » lui rend hommage, en théâtralisant entièrement le chef-d’œuvre expressionniste sous les yeux des spectateurs, lui offrant une seconde vie hors des circuits confidentiels des cinémathèques. Sonorisée par des bruitages exécutés en « live » par Patrick Ponce accompagné de deux musiciens, la création des Cartoun donne aussi la « parole » à ces acteurs du muet — Faust, Méphisto, mais aussi la douce Marguerite —, allant jusqu’à incarner le metteur en scène lui-même. Revenu d’outre-tombe, ce film-pièce sans « Faust » note vaut le détour.
_Le 8/04 à 19h30

Lulu

Belle et insouciante jeune femme aux cheveux de jais, Lulu ne vit que d’amour et de passion. Incarnation de l’éternel féminin, Lulu est en fait née à la fin du XIXe siècle dans l’imagination de Franck Wedekind. Critique de la bourgeoisie de l’époque, la pièce du dramaturge allemand ne verra quasiment jamais le jour en public, la censure n’appréciant guère ses thèmes (argent, liberté, homosexualité féminine…). Trente ans plus tard, Pabst la transpose à l’écran dans une version peaufinée, immortalisée par la sublime Louise Brooks. L’adaptation proposée par le Cartoun Sardines Théâtre joue sur tous les tableaux, puisant aussi bien dans la matière textuelle que filmique. Dans un ingénieux ping-pong avec les personnages du film projeté sur un écran mobile, comédiens et musicien donnent chair au drame de cette danseuse de revue accusée du meurtre de son amant, permettant au spectateur de voyager d’un univers à l’autre et d’apprécier autant la force du texte de Wedekind que l’esthétique subtile de Pabst.
_Du 10 au 12 à 19h30 (sf dimanche : 16h)

Le bonheur

Réalisé en 1934 par Alexandre Medvedkine, Le bonheur est une curiosité, une fable poétique et burlesque sur la condition paysanne dans la Russie tsariste. C’est aussi une petite histoire dans la grande, celle de deux inadaptés sociaux riant de leurs malheurs et donnant ainsi une autre idée du bonheur. Dans ce dernier volet de la trilogie ciné-théâtrale du Cartoun, créé lors du dernier festival Off d’Avignon, la compagnie marseillaise livre un autre spectacle, qui se superpose à la projection : celui de la sonorisation du film. Tout autour de l’écran, dans un décor campagnard répondant à l’univers bucolique de Medvedkine, quatre hurluberlus bruitent, commentent, chantent, dansent, jouent et se démènent pour donner vie à la folie du réalisateur russe, mais aussi à la leur. Un tour de force pour les comédiens qui, sans jamais parasiter l’image, s’amusent de toutes les interactions possibles entre leurs facéties et l’histoire qui se joue à l’écran.
_Du 14 au 19 à 19h30 (sf dimanche : 16h)

Notes
  1. Parti il y a deux ans pour fonder sa propre compagnie, L’agence de voyages imaginaires.[]