Eddie en performance... © Julien Capacchione

C’est arrivé près de chez vous | Un déchet par jour

Balayer devant, ça porte

 

One Piece of Rubbish A Day/Un déchet par jour… Le concept désormais célèbre de cette association repose sur un geste simple et une communication colossale. Tu ramasses, tu te photographies et tu postes sur les réseaux sociaux. Tu postes, tu relaies, tu diffuses sans cesse. « Nous sommes une association 2.0 », clame Edmund Platt, son fondateur.

 

Eddie ne se présente plus. « L’Anglais qui voulait nettoyer Marseille » a déjà fait le tour des unes, écumé les plateaux de télé et envahi l’ensemble des réseaux sociaux. De Leeds à Marseille ? Un hasard, et un coup de foudre pour cette ville, qui lui fait poser ses bagages après une carrière pleine de succès en Angleterre. Il vient pour enseigner. L’anglais, certes, mais un anglais qui permet de produire, d’avancer, un anglais ambitieux pour dynamiser les cadres locaux. Tout commence lorsqu’un jour, une photo le montre arborant une canette ramassée chez lui. Un ami (son futur associé) lui lance alors : « Si tu viens faire ça à Marseille, tu es mon Dieu. »
Marseille… Eddie s’y attaque, lance le concept et déplace les foules. Avalanche de chiffres, de statistiques, de likes et de tonnes. Il énumère les déchets au kilomètre et le nombre de fans. Après seulement un an d’existence, l’association est en plein essor. Expliquer aux Marseillais qu’il faut être propre, respectueux, et emporter l’adhésion de tous ? « Fucking mad », confesse Eddie.
Utopiste, inconscient, décalé. Oui, absolument. L’homme a une vision de la chose qui renverse les coutumes locales bien ancrées. La ville, la politique, la culture, les habitudes, la nonchalance… Il s’en moque. Il affirme n’être ni moralisateur, ni écolo, ni politique. Il veut agir. « Vous ici, vous êtes la ville des excuses, vous trouvez toujours un coupable, mais tout le monde glande ici, tout le monde… »
Un an après, Edmund s’est-il lassé face à l’ampleur de la tâche ? La douce langueur locale ne lui apparaît-elle pas sous les traits d’une immense inertie ? « Si. Je rencontre plein de gens qui adorent mon projet, qui disent qu’ils n’en reviennent pas, mais la plupart likent puis ne ramassent jamais un papier. J’ai envie de dire tant pis pour eux. T’as envie que ta ville reste sale, dommage. Moi, je ne serai plus là dans deux ans, les choses bougent partout ailleurs, alors désormais, c’est à chacun de s’engager. »
Reste-t-il des territoires à conquérir ? Et comment faire évoluer un projet si fulgurant ? 
La stratégie, c’est le long terme. Il s’agit de faire changer les mentalités, de rendre la propreté et le ramassage des déchets glamour, fun. C’est la personnalité d’Eddie et toute la démarche en est teintée. Après avoir fait migrer un mouvement uniquement virtuel en action de terrain (ramassage collectif à la Bonne Mère, sur la plage), l’association se tourne désormais vers l’éducatif, évidemment : missions de sensibilisation dans les collèges, interventions et, depuis les résultats fantastiques d’un crowdfunding, élaboration d’un authentique kit pédagogique. Dans le même esprit d’autodérision, ce kit est composé de petits clips vidéo. Interviews décalées d’acteurs locaux de l’environnement, de militants associatifs… Les membres veulent non seulement parier sur l’avenir, mais aussi aller sensibiliser des personnes, des groupes moins habitués à suivre ce mouvement sur les réseaux sociaux.
Au printemps, en collaboration avec son ami surfeur qui suivra le même parcours (mais par la mer), Eddie ramassera les déchets lors d’un trajet Marseille/Toulon dans une nouvelle opération de communication, Et, parallèlement, l’association n’hésite pas à aller sonner à toutes les portes pour récolter des fonds. Sans cesse, sans répit, ils sont aux aguets, à l’affut des tendances, les collaborations locales se multiplient. En décembre dernier encore, la Team Malmousque et One Piece of Rubbish s’associaient pour nettoyer la côte et les fonds marins.
Alors Eddie, satisfait ? « Mais non… Jamais assez visible. Ce qui importe, c’est de toucher encore du monde. Je voudrais désormais que les stars s’en mêlent. Ils peuvent tous faire le geste, j’appelle Chinese Man, Soprano, tous ceux qui veulent nous rejoindre, ce serait formidable. »
En attendant, Eddie nous promet encore bien des surprises pour les mois à venir. Et on le croit.

Fanny Bernard

 

Rens. : www.facebook.com/1PieceOfRubbish / www.1pieceofrubbish.com/