Ça planche n° 201

Ça planche n° 201

Face au mur de Martin Crimp par Diphtong Cie
Le Boucher d’Alina Reyes par le Collectif TIF
Le cabaret des valises de Bernard Kudlak par l’Ensemble Télémaque et le Cirque Plume
Ubu vos Papiers ! d’après Alfred Jarry par la Cie l’Egrégore

Face au mur
_De Martin Crimp par Diphtong Cie
Dans Face au mur, le Britannique Martin Crimp évoque l’enfermement des sociétés occidentales, marquées par le tout sécuritaire et la peur fantasmatique de l’Autre. La mise en scène d’Hubert Colas souligne toute l’absurdité et l’inhumanité de ce repli sur soi. Pourtant, pas de grands discours théoriques sur scène, ni de débauche dramatique de désespoir : si les « personnages » s’enfoncent dans une impasse, c’est par l’intermédiaire la naïveté et le ridicule de leurs propos. Debout au milieu d’une marée de ballons blancs, ils nous confient leur obsession pour le bien-être, le bien paraître — les « biens » en général, sources de tous les bonheurs et objets de tous les efforts — et leur peur, mêlée de fascination, de tout ce qui peut menacer ce bonheur matériel : la violence, la différence, le manque, l’imprévisible… Si l’on rit franchement à l’énoncé de leur « sainte » trilogie « Argent, famille, propriété », on ne peut réprimer un certain malaise en pensant que nous y sommes tous plus ou moins soumis.
_Jusqu’au 13 au Gymnase dans le cadre d’actOral.6

Le Boucher
_D’Alina Reyes par le Collectif TIF
Comme son titre l’indique, Le boucher est un roman qui célèbre la chair. Métaphoriquement, le boucher, homme cruel et sanguinaire, est en fait ce professionnel de la « viande » qui sait reconnaître les bons et les mauvais morceaux. De la chair morte (la viande) à la chair vivante (l’amour, le sexe), il n’y a qu’un pas, que les deux « héros » du premier ouvrage d’Alina Reyes franchissent ensemble, ses mots à lui suscitant son désir à elle, leurs sens exacerbés dans une mise en scène du fantasme où se mélangent, sans vulgarité, l’odeur du sexe et les effluves douceâtres de la viande crue. Pour figurer ce parcours initiatique d’un érotisme intense où « la femme devient le véritable sujet de son désir », le collectif TIF (pour Théâtre Interventionniste Festif) s’appuie sur une mise en scène précise et sobre (à l’instar des décors), qui fait la part belle au verbe. Attention : si le propos en question n’a rien de graveleux, la pièce est toutefois déconseillée aux moins de seize ans.
_Du 11 au 13 au Théâtre du Petit Matin

Le cabaret des valises
_De Bernard Kudlak par l’Ensemble Télémaque et le Cirque Plume
Drôle de monsieur que « Monsieur ». Depuis son passage à Verdun, Monsieur est obsédé par les cris, qu’il collectionne et trimballe dans mille et une valises. Pour que le monde n’oublie pas — et peut-être aussi pour qu’il puisse s’en libérer — Monsieur a décidé de monter le Cabaret (bien barré) des valises. C’est du théâtre mais pas seulement, de la musique mais pas uniquement, du clown très certainement. Croisant leurs talents, le directeur de l’Ensemble Télémaque et le metteur en scène du Cirque Plume ont « tricoté » un spectacle où les notes s’envolent, tout comme les pupitres… Après Variétés, en 2001, Raoul Lay, chef d’orchestre, et Bernard Kudlak, chef des valises, signent à quatre mains une réjouissante partition pour huit musiciens-comédiens et quatre artistes de cirque. Soit un univers ludique où la musique s’invite partout, se déployant sur une ingénieuse trame d’images et de textes. Il y a bien évidemment du Keaton et Méliès dans cette mécanique magique, fertile entre les arts, dans ce poème fantasque où le devoir de mémoire est essentiel.
_Les 12 & 13 au Théâtre des Salins (Martigues)

Ubu vos Papiers !
_D’après Alfred Jarry par la Cie l’Egrégore
Nous sommes en Pologne, « c’est-à-dire nulle part » : rustre, borné et mal dégrossi, Père Ubu jouit pourtant d’une excellente situation et de la faveur du roi. Mais sa femme n’est pas satisfaite de ce rang et réussit à le convaincre — en évoquant les « andouilles » qu’il aurait tout loisir de manger — de s’emparer du trône. Une fois son coup d’Etat réussi, notre homme devient mégalo et veule, révélant sa sottise, qui n’a d’égale que sa lâcheté… Précurseur du surréalisme et du théâtre de l’absurde, la farce truculente d’Alfred Jarry dénonce la folie de la guerre et des prétextes fallacieux qui trop souvent la justifient. Alors que nombre d’adaptations ont, à l’instar de la première création qui fit scandale en 1896, opté pour des marionnettes (rappelant qu’Ubu n’est en fin de compte qu’un pantin), l’Egrégore, sous la houlette d’Eric Poirier, exploite les ressorts du théâtre de papier. Et nous promet « du massacre, du sang, du rire et de l’amour, mais pas trop. » Merdre ! Ça va tout déchirer !
_Du 12 au 27 au Mini-Théâtre du Panier

CC/HS