ça planche n° 180

ça planche n° 180

Journal d’inquiétude & Thierry Baë a disparu > De et par Thierry Baë / Cie Traits de ciel

Cocinando con Elvis > De Lee Hall par la Cie Un mundo Teatro

Madame Marguerite > De Roberto Athayde avec Henriette Palazzi

Jack’O Lantern > Par la Cie Kino-Loco

Pour tout bagage : Petit Gris > Par la Cie Créature d’après Elzbieta

Journal d’inquiétude & Thierry Baë a disparu
_De et par Thierry Baë / Cie Traits de ciel)
Le corps est un ultimatum, une petite chose fragile qui nous arrête dans le temps, dans nos intentions et nos envies. L’âme se morfond, elle n’y croit plus, elle s’interroge, puis elle dialogue et trouve les mots pour un nouveau départ. Thierry Baë travaille au plus près de sa personne, il invite la danse dans son intimité, ses maux, sa maladie (la mucoviscidose). Que faire de son avenir ? Comment rejouer la danse sur un accident, un destin mal embarqué ? La vidéo et la fiction servent d’interlocuteurs, elles expriment ce qui ne passe plus par le corps. Thierry Baë ouvre les portes du docu-fiction à la rencontre d’un programmateur (un diffuseur), utilisant la vérité et le mensonge pour mieux retranscrire le parcours d’un chorégraphe dont l’âge (45 ans) est avancé et le corps en limite de rupture. Une nouvelle fois, le théâtre ose s’égarer pour mieux sortir de l’harmonie et du beau geste. La danse de Thierry Baôe utilise le « je » et envisage le tapis de danse sous un autre angle. Du 21 au 24 à la Friche la Belle de Mai (programmation : Théâtre du Merlan et Marseille Objectif Danse).

Cocinando con Elvis
_De Lee Hall par la Cie Un mundo Teatro
C’est l’événement théâtre de la semaine : une heure trente côté cuisine, dans l’intimité déjantée d’un imitateur d’Elvis paraplégique et de sa famille déphasée. Où il sera question de sexe, d’alcool et de rock’n’roll… De bouffe aussi : figure maternelle en puissance, Jill, la fille, multiplie les expériences culinaires pour ramener son père à la (vraie) vie. Tandis que sa mère, très Absolutely Fabulous, noie son exaspération dans l’alcool et les bras de Stuart, son jeune amant « superviseur de gâteau ». Adaptée de la pièce radiophonique Blood Sugar, cette comédie loufoque et féroce de Lee Hall (l’auteur à succès de Billy Elliott) est ici mise en scène par une troupe chilienne (attention : le spectacle est en espagnol surtitré). Volontiers de mauvais goût, elle se prête admirablement à la mise en scène un peu burlesque d’Andrés Cespédes et au jeu subtil des comédiens, qui ont su tirer toute la substantifique moelle de la verve du Britannique tout en y rajoutant une touche d’excentricité. Jubilatoire !
_Le 21 au Théâtre Antoine Vitez (Aix-en-Pce)
_Le 23 au Théâtre des Salins (Martigues)

Madame Marguerite
_De Roberto Athayde avec Henriette Palazzi
« Je suis votre nouvelle maîtresse… et vous les élèves ; un conseil : on se tient à carreau sinon Madame Marguerite vous la détesterez. Je suis payée pour vous enseigner l’obéissance et accessoirement la biologie, la géographie et la sexualité : on ne rit pas ! Ah ! Au fait : je suis folle, névrosée, cruelle et frustrante mais c’est un détail. » C’est en 1974, au plus fort de la dictature militaire au Brésil, que Roberto Athayde écrit ce monologue sur la folie du pouvoir, où il est autant question d’obéissance que de révolte, de sexualité que de religion. De cris de colère en éclat de rire, en passant par des vérités que personne n’aime entendre, Madame Marguerite représente ainsi le pouvoir discrétionnaire, mais ne défend finalement qu’une cause : la quête du bonheur… Immortalisé par Annie Girardot, le rôle de l’institutrice tyrannique est ici repris par une Henriette Palazzi plus déjantée que jamais, qui donne à cette leçon (de vie) sa force et son actualité. Bref, un cours à ne pas sécher…
_Du 22 au 25 à Leda Atomica Musique

Jack’O Lantern
_Par la Cie Kino-Loco
Depuis sept ans, la compagnie Kino-Loco, portée par le duo Stéphane Belicha/Julie Dachicourt, pionnière dans la création fantastique, s’escrime à redorer le blason d’un paysage théâtral marseillais plan-plan (t’es mort !), redondant ou par trop intello. Après avoir relu H.P Lovecraft (Le retour de Cthulu), Jules Vernes (Envers et tout contre Nemo) et fait fusionner Poe et Maupassant (Récits de voyages), Kino-Loco s’est colleté à la légende d’Halloween… La veille de Noël, dans un no man’s land où dictature et injustice font bon ménage, sous le joug d’un gouverneur retors (Olivier Ledauphin, cabot à souhait), Consensuella (Julie Dachichourt, parfaite comme d’habitude), princesse déchue, va faire revenir d’entre les morts Jack’O Lantern (Armand Giordani), l’homme à la tête de citrouille qui ne fiche pas la trouille ! Une heure durant, burlesque, comédie musicale et fantastique se télescopent et se contaminent pour le plus grand plaisir des spectateurs qui, de 7 à 77 ans, sortent durablement marqués par cette parenthèse enchantée, cet étrange Noël de Mr Jack’O Lantern…
_Le 23 au Théâtre du Lacydon

Pour tout bagage : Petit Gris
_Par la Cie Créature d’après Elzbieta Petit Gris et ses parents ont « attrapé la pauvreté » comme on attrape une maladie honteuse. Chassée de chez elle, la famille lapin commence une vie d’errance vers un ailleurs meilleur… Tel est le point de départ du conte poétique d’Elzbieta et celui de la dernière création de la compagnie Créature, qui poursuit son aventure avec l’auteur de Flon-Flon et Musette. Sur scène, accompagnés de marionnettes, un groupe d’humains. Des « voyageurs » — réfugiés, SDF, clandestins… — qui cheminent dans l’espoir de trouver la liberté et le respect auxquels chaque être humain a droit. Dans leur valise, l’histoire de Petit Gris, le petit lapin qui a découvert une éponge magique pour sauver les malheureux de l’acharnement des représentants de la loi. Deux histoires pour nous dire l’importance de garder un peu de merveilleux en soi pour mieux grandir et faire face aux aléas de la vie. Sans logique narrative, la compagnie Créature donne corps à l’écriture si tendre d’Elzbieta avec maestria. En un mot : magique.
_Les 23 & 24 au Théâtre Massalia