Ça planche 222

Ça planche 222

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La cantatrice chauve
_Comédie d’Eugène Ionesco

En 1948, Ionesco a une révélation en découvrant la méthode Assimil. Le manuel d’anglais met en effet en scène des personnages so british dont le langage tourne à vide dans un quotidien dérisoire. Les Smith et les Martin — héros pathétiques d’un monde ridicule — sont nés : avec La cantatrice chauve, Ionesco invente « l’effondrement du réel ». Constatant que « la langue développée et les situations exposées par Ionesco sont devenues un modèle pour notre monde contemporain où pseudo-langages, faux sujets, oppositions factices et ennui profond sont les marques du fonctionnement de ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui, en particulier les cadres dirigeants, les top managers ou les hommes politiques », Daniel Beloin revient, trente après l’avoir mis une première fois en scène, au chef-d’œuvre du théâtre de l’absurde. Pour mettre en adéquation le texte avec l’époque contemporaine, le directeur du Théâtre National de Nice mise sur une distribution de premier choix, qui donne un coup de neuf à la pièce.
_Jusqu’au 29/04 au Gymnase

Gaff Aff
_ Cirque métamorphosé par Dimitri de Perrot et Martin Zimmermann

Conjuguant la performance musicale et l’interprétation scénique, ce duo livre une création singulière. Marin Zimmermann, chorégraphe, artiste de cirque et interprète protéiforme, se tient seul, face aux spectateurs. Une chorégraphie étrange s’installe peu à peu sur une scène aménagée en un immense tourne-disque, où se tient aussi le musicien qui officie derrière ses platines. Dimitri de Perrot, compositeur et musicien-platiniste rythme l’expression visuelle de Martin Zimmermann. Un mécanisme poétique se met en place, où les deux langages se mêlent pour mieux se compléter. Pas de langue, pas de mots : la musique et la chorégraphie composent un univers sonore et corporel où le personnage devient homme-marionnette, évoluant et faisant corps avec la musique, jouée en direct. Un langage universel, au carrefour du cinéma muet, du music-hall, du cirque et des arts plastiques. Pour résumer, laissons la parole aux artistes : « Nous aimons nous abandonner entièrement à un univers visuel et sonore, à un langage corporel excluant toute communication verbale. »
_Jusqu’au 26/04 au Merlan

Triptyque Brecht
_Par la Cie Théâtre Provisoire

Un temps fort sous forme de rencontre avec trois textes emblématiques est dédié à celui qui écrivait que « le théâtre peut beaucoup, là ou du moins il y a suffisamment de vie. » Des pièces féroces, mettant à nu les contradictions et les servitudes de la condition humaine. Rédigée par l’auteur alors qu’il est réfugié en Suède pour fuir le nazisme, l’épique La bonne âme du Se-Tchouan relate un drame que l’on pourrait trouver sous toutes les latitudes. La langue brechtienne — ici accompagnée par un trio musical sur scène — révèle les plis des mouvements les plus noirs de l’âme humaine. La noce chez les petits-bourgeois est un cri désespéré contre l’intolérance, en réaction au culte du frileux et du conventionnel, d’une Allemagne toute prête à accueillir le nazisme. Une dernière pièce mystère (montée à la fin de l’année) amplifie encore d’un ton la dissonance. Trois pièces, trois moments-clé de l’œuvre d’un homme de son siècle, antibourgeois virulent, nihiliste convaincu, marxiste affirmé, dont l’écriture et l’humour noir sont intemporels.
_Jusqu’au 17/05 à la Minoterie

Une étoile pour Noël
_Monologue par la Cie Repères
Noël, c’est le nouveau nom donné à Nabil par la grand-mère de son ami Jean-Luc. Fils de mineur, Nabil rêve d’intégration et de réussite : Noël sera donc Premier ministre, conformément aux vœux de son géniteur. Sous-titré L’ignominie de la bonté, parce que « la violence part souvent d’un bon sentiment », Une étoile pour Noël raconte donc le parcours de Nabil/Noël dans « une société qui prétend offrir une place qu’elle-même n’est pas prête à donner », où chacun, sous couvert d’altruisme, détruit les autres et où tout le monde n’a pas le droit au même rêve. Seul sur scène, Nasser Djemaï interprète avec énergie tous les personnages qui ont marqué sa vie, livrant une galerie de portraits tout en finesse. Tenant autant du one man show « à la Caubère » que de la fable contemporaine critique du monde occidental, Une étoile pour Noël nous plonge avec humour et tendresse dans les affres de la condition d’émigré au « pays des droits de l’homme ». Indispensable en ces temps troublés où l’identité nationale est brandie par le gouvernement comme un étendard.
_Du 24 au 26/04 au Gyptis

CC/BJ