Ça planche 213

Ça planche 213

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Boliloc
_De Philippe Genty
« Je considère le lieu du théâtre et de la scène comme l’espace du subconscient ou de l’inconscient, un monde en métamorphose, en mouvement, en gestation et en vie, à l’intérieur de la tête. » Boliloc, le nouveau spectacle de Philippe Genty, mis en scène en collaboration avec sa compagne Mary Underwood, apparaît comme l’illustration parfaite des propos de l’incontournable touche-à-tout (plasticien, marionnettiste, metteur en scène…). Derrière ce titre énigmatique se cache un objet théâtral non identifié, une plongée fantasmagorique dans le monde intérieur de l’artiste. Son alter-ego scénique, Sybille, est ventriloque. Peu à peu, la jeune fille au doux visage devient la proie de ses marionnettes et se voit confrontée à ses propres démons… Presque sans mot mais avec une élégance visuelle virtuose, Boliloc mêle poésie, mime, musique, danse, vidéo, jeux de lumières et performances physiques pour nous embarquer dans un mode sans logique narrative, un monde onirique et troublant, souvent drôle et parfois inquiétant. Comme un rêve, où tout est possible.
_Du 6 au 9 au Toursky

Carte blanche à la Nième Compagnie
Mon premier est un (anti-)héros bien décidé à devenir stupide : il arrête de réfléchir, se gave de hamburgers en écoutant de la soupe et finit même par jouer en bourse. Mon deuxième part sur les traces d’une ornithologue déjantée, narre les mésaventures de Roméo et Juliette au pays du fromage puis déride le genre du cabaret à coups de Botox songs. Mon troisième fait parler des têtes qui dépassent d’objets. Mon quatrième raconte la vie d’un instituteur algérien engagé au Québec. Mon cinquième nous emmène au Groenland pour une expédition chamano-touristico-théâtrale déjantée. Mon tout est une carte blanche à la Nième Compagnie, soit une plongée de dix jours dans l’univers drolatique et absurde de la troupe créée en 1992 par Jean-Philippe Salério et Claire Truche. Un univers qui ausculte — via un répertoire de « Spectacles Tout Terrain et Tout chemin » — avec beaucoup de dérision un monde contemporain agité de fortes perturbations (climatiques, économiques, politiques, philosophiques). Plutôt salutaire par les temps qui courent.
_Jusqu’au 16 au Théâtre de Lenche, au Mini-Théâtre et à la Friche du Panier

Tonight !
Par la Cie Grenade
Sur scène, cernées de bancs et de grillages, deux bandes rivales s’affrontent. Dans ce chaos, deux jeunes gens essaient de s’aimer… On connaît cette histoire : Shakespeare l’a racontée dans Roméo et Juliette, Robert Wise et Jerome Robbins en ont fait une comédie musicale. Justement inspirée de West Side Story (et surtout de la superbe musique de Leonard Bernstein), la pièce de Josette Baïz revisite les ballets chorégraphiés par le même Robbins dans les années 60 en y insufflant le souffle hip-hop propre à la compagnie Grenade. Sans « psychologie », Tonight ! traduit et réactualise, uniquement par la danse, les thèmes essentiels de l’œuvre, sa rage et sa vivacité. Mêlant break, danse classique, contemporain et oriental, la chorégraphie de la compagnie aixoise crée une atmosphère toute en contrastes — de rythme (rapidité/lenteur), de lumières (jour/nuit), d’espace (jardin/cour, fond de scène/avant scène, sol/hauteur). Au final, un spectacle aérien et tonique où se côtoient émotion, énergie, poésie et humour.
_Les 7 & 8 à l’Astronef

Karl Marx, le retour
_Par la Cie du Mini-Théâtre
Ironie du sort : alors que, sous la pression « populaire », Dieu vient de lui accorder un bref congé terrien, Karl Marx se retrouve propulsé au XXIe siècle, loin de son quartier londonien, par la faute d’un cafouillage bureaucratique… Il découvre, furieux, que ses idées ont été déformées jusqu’à être identifiées aux cruautés staliniennes… La parole de Marx offre un éclairage troublant à la société occidentale contemporaine, à une époque où le capitalisme n’a plus vraiment de quoi triompher… Howard Zinn nous propose de la retrouver à travers cette farce où l’auteur du Capital se livre sans détours. Dans ce joyeux monologue, qui tient sans doute plus de la contre-information que de la vulgarisation, on découvre un Marx démythifié, aussi visionnaire qu’intolérant, aussi intelligent qu’insupportable, aussi touchant qu’injuste… Bref, humain. Mis en scène par Joëlle Cattino, Yvan Romeuf ne ménage pas son énergie et revêt pendant plus d’une heure la barbe de l’historien pour donner chair à ce grand homme et corps à ses conceptions. Jubilatoire.
_Le 9 à l’Escale (Aubagne)

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