© Bruno Boudjelal / Agence VU

Bruno Boudjelal à La Friche la Belle de Mai

Naguère Algérie

 

Dans le cadre des Rencontres à l’Echelle, le photographe Bruno Boudjelal expose à la Friche une partie de ses carnets de voyages à travers une Algérie complexe qu’il a redécouverte.

 

Malgré les années qui défilent, certains faits algériens douloureux gardent leurs stigmates complexes. Comment en rendre compte soi-même quand on se découvre un jour profondément concerné ? A l’affiche des huitièmes Rencontres à l’échelle, la démarche à la fois très identitaire et documentaire du photographe Bruno Boudjelal se révèle frappante.
Présentée à la Tour-Panorama de la Friche, son exposition Jours intranquilles – Chroniques algériennes d’un retour (1993-2003) traduit une réappropriation rétrospective d’une histoire familiale, mais aussi d’un pays marqué dans ses chairs, tant dans ses territoires qu’à travers ses populations. Guerre civile et son lot de massacres cumulatifs, ennemis invisibles mais aux actions redoutables, victimes officiellement listées ou restées à jamais dans les limbes de l’Histoire… Autant de mots chargés, presque trop faciles à brandir.
En noir et blanc ou en couleurs, toujours floues et décadrées, les photos de Bruno Boudjelal traduisent sa propre exigence de « savoir qui il est », intimement liée à une « impérieuse nécessité de témoigner », comme un accouchement artistique de ces deux requêtes profondes.
Une énumération des visuels exposés serait trop fragile. On citera néanmoins cette télévision allumée sur un meuble posté dans un coin. Sur le côté : peut-être une cage à oiseaux vide. Sur le sol, une paire de baskets délacées. Sur l’écran : une image très imprécise que l’on croirait être des pèlerins massés autour de la Kaaba à La Mecque. Une image récente ? Datée ? Que veut-on nous signifier ? Où est passé le propriétaire ? Absent ? Enlevé ? Tué ? Massacré ?
A travers la partie exposée de ses carnets de voyage personnels, Bruno Boudjelal nous livre un ensemble de matières diverses en parfaite adéquation avec ce passage présent dans un des textes de l’exposition : « Le temps me semble suspendu et les gens comme figés ». La suspension et la fixation : deux matériaux photographiques passés à la moulinette d’une histoire algérienne qui questionne l’individu dans un dépassement impossible.

Valentin Lagares

 

Jours intranquilles – Chroniques algériennes d’un retour (1993-2003) : jusqu’au 27/10 à La Friche la Belle de Mai, 3e étage de la Tour Panorama (31, rue Jobin, 3e).

Rencontre avec Bruno Boudjelal et Christian Caujolle (Agence VU’) le 20/10 à 16h, aux Grandes Tables de la Friche

Rens. 04 91 64 60 00 / www.lesrencontresalechelle.com